La conférence sur l'avenir de l'Europe : achever l'Union économique et monétaire

UNION EUROPEA

Le lancement de la Conférence sur l'avenir de l'Europe n'a pas bénéficié d'une couverture médiatique suffisante, alors qu'il s'agissait de l'une des annonces faites par la Présidente Ursula von der Leyen lorsqu'elle a présenté le programme de son mandat actuel. Ce qui est discutable, c'est sa pertinence, tant en termes de progrès communautaire qu'en termes de perception par les citoyens de leur rôle dans ce processus.

Les progrès de l'intégration économique ont souvent eu lieu avant que le cadre institutionnel européen ne soit prêt à faire face aux besoins qu'elle implique. Ce fut le cas lors de la signature du traité de Rome et de la création du Marché commun européen. Ce n'est qu'au début des années 1990, après l'Acte unique, qu'il a été possible de jeter les bases pour que tous les éléments (mobilité des capitaux, libre circulation des produits, sans barrières non tarifaires) fonctionnent correctement dans ce qu'on a appelé le marché intérieur. Il n'en a pas été autrement avec l'Union économique et monétaire (UEM). 

Mariam Camarero

La crise financière qui a débuté en 2007 a révélé les vulnérabilités de l'UEM face à un "choc asymétrique" et même les effets asymétriques d'une crise qui n'était pas seulement de nature mondiale, mais qui touchait précisément les fondements du système financier européen. La réponse à cette crise a été lente et a impliqué, en outre, la prise de décisions qui contredisaient ce qui avait été convenu jusqu'alors sur le fonctionnement de l'UEM. Ni les statuts de la BCE, ni le traité de Maastricht n'avaient pris en compte les situations pouvant conduire à des renflouements (à commencer par la Grèce) ou l'annonce faite par Draghi en 2012 qu'il ferait "tout ce qui est nécessaire". Toutefois, les mesures de politique monétaire "non orthodoxes" prises alors étaient judicieuses et en fait conformes au mandat au sens large, puisqu'elles préservaient l'union monétaire. Les changements adoptés étaient davantage fondés sur la recherche de fautes et de solutions intergouvernementales que sur l'adoption de politiques communes permettant de remédier aux lacunes. En fait, les constitutions des pays de la zone euro ont été modifiées avant que les traités eux-mêmes ne soient modifiés. 

La crise financière a révélé, d'une part, les faiblesses de la gouvernance de l'UEM et, d'autre part, qu'elle était incomplète, puisque l'union bancaire et l'union fiscale étaient des éléments essentiels pour équilibrer l'accord politique avec les besoins du fonctionnement économique. 

Du point de vue de la gouvernance, il est indéniable qu'entre 2011 et 2012, le pacte de stabilité et de croissance (PSC) a été renforcé, en concevant des mesures de politique budgétaire (le six-pack, suivi du two-pack, ainsi que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ou TSCG). Cela a permis d'inclure, en plus, d'autres indicateurs de déséquilibres macroéconomiques, qui incorporaient, avec le déficit et la dette publique accumulée, d'autres variables dont l'évolution pouvait être suivie, comme le chômage, la balance des comptes courants ou l'évolution du crédit. Le nouveau mécanisme de coordination, le Semestre européen, a considérablement amélioré la gouvernance, même si, il faut le souligner, selon une approche plus intergouvernementale que communautaire. 

Mariam Camarero

Quant à la structure de l'UEM elle-même, la Commission Barroso avait déjà lancé un plan pour créer une véritable UEM, soutenu ensuite par le Conseil et formulant ce qui finira par être appelé "le rapport des 5 présidents" (incluant, en plus, ceux du Parlement européen, de la Banque centrale et de l'Eurogroupe) a établi une "feuille de route". 

Depuis lors, et en gardant à l'esprit que c'est le système bancaire européen qui a été la première victime de la crise financière, le premier des deux éléments, l'union bancaire, a été accéléré. À cet égard, sur les trois composantes qu'il comporte (un mécanisme de résolution unique, un mécanisme de surveillance unique et un fonds de garantie des dépôts, également commun), seuls les deux premiers ont pu être réalisés. L'obstacle réside, comme dans d'autres éléments de l'UEM, dans la mutualisation des risques, c'est-à-dire dans l'utilisation de fonds communs pour faire face à des crises dans un ou plusieurs des pays membres, sans nécessairement inclure les leurs.  

Les progrès en matière d'union fiscale sont plus complexes. Dans le "Rapport des 5 présidents", après une phase de stabilisation des politiques fiscales, il est proposé, entre 2017 et 2025, de poursuivre l'approfondissement de la convergence européenne, dans le but de créer un "Trésor européen", pour lequel il est nécessaire de procéder à d'importants changements institutionnels et juridiques. Depuis lors, tant la Commission que divers groupes de travail ont proposé diverses formulations, qui diffèrent quant au rôle et au délai nécessaire pour qu'un tel Trésor devienne opérationnel. 

En ce qui concerne les éléments que devrait comporter une union fiscale, le premier serait l'existence de règles et de coordination, ce que nous avons à travers le PSC et le TSCG. Le second de ces éléments devrait être un mécanisme de gestion et de résolution des crises. Le MES (Mécanisme européen de stabilité) remplit déjà le premier rôle, mais pour la résolution des crises, il devrait avoir la capacité de restructurer la dette, si nécessaire. Le troisième élément, l'union bancaire, est également avancé, le fonds de garantie des dépôts devant encore être créé et doté. Ce sont les dernières composantes de l'union fiscale qui sont les plus compliquées à convenir : la création d'un fonds de stabilisation ou d'un mécanisme de mutualisation des risques (par exemple, pour faire face au chômage ou pour lisser le cycle économique) et l'émission conjointe d'obligations pour contribuer à son financement. 

Mariam Camarero

Pour toutes ces raisons, lorsque la nouvelle Commission Von der Leyen inaugurera son mandat fin 2019, ces changements seront non seulement nécessaires, mais relativement urgents. En convoquant la Conférence sur l'avenir de l'Europe, dans son deuxième objectif ("une Europe sociale, durable, créative et prospère"), le point 3 s'intitule "Approfondir l'UEM pour assurer la cohérence des priorités de l'UE et prendre des mesures concrètes en vue d'une véritable Union fiscale". Lors de sa formulation, l'objectif était de donner une continuité au processus précédent, mais, d'un point de vue politique, ni la Conférence n'est suffisante pour obtenir un changement dans les Traités (une Convention est nécessaire), ni les positions sur le moment et la manière de le faire n'étaient proches. 

Les perspectives avec lesquelles cette question est abordée au sein de la Conférence sont désormais différentes, car, avec la crise générée par la pandémie, la solution adoptée est d'une nature très différente de celle de la crise financière. Le plan de relance pour l'Europe, connu sous le nom d'"UE nouvelle génération", repose sur des institutions européennes plutôt que sur un accord intergouvernemental. Pour la première fois, la Commission européenne est habilitée à se financer sur les marchés internationaux, constituant ainsi l'embryon possible d'un "Trésor européen". De plus, la concentration des ressources dans les pays les plus touchés par la pandémie lui donne, de facto, le caractère d'un fonds de stabilisation, avec la capacité de mutualiser les risques générés. 

Le défi consiste pour la Conférence à réussir, d'un point de vue économique, à consolider ce qui a été convenu lors de la création du plan de relance, afin de le transférer au niveau institutionnel et aux traités. C'est le défi, mais aussi l'espoir que nous y mettons.  

Mariam Camarero, professeur d'économie et professeur Jean Monnet ad personam. Université Jaume I de Castellón.