Faire croire à un accident

El presidente Ebrahim Raisi y su ministro de Defensa, general Amir Hatami, recorren una exposición repleta de los principales sistemas de misiles y lanzadores espaciales - PHOTO/President of the Islamic Republic of Irán
Le président Ebrahim Raisi et son ministre de la défense, le général Amir Hatami, visitent une exposition consacrée aux principaux systèmes de missiles et lanceurs spatiaux - PHOTO/Président de la République islamique d'Iran
Il n'y a aucune raison de douter que le président de la République islamique d'Iran, Ebrahim Raisi, et son ministre des affaires étrangères, Hosein Amirabdollahian, aient eu la malchance de voir leur hélicoptère s'écraser dans un épais brouillard alors qu'ils revenaient de l'inauguration d'un barrage hydroélectrique à la frontière avec le président de l'Azerbaïdjan

Cependant, lorsque de tels accidents impliquent des personnages et des personnalités capables de déterminer le cours d'événements qui affectent non seulement une grande région mais aussi la planète entière ou presque, il semble logique de se méfier et de douter que le destin soit bel et bien écrit.  

Pour ceux d'entre nous qui ont été élevés dans la culture judéo-chrétienne européenne - moi par exemple - l'annonce officielle de la mort du président Raisi, le qualifiant de "martyr", est un choc. Il va de soi que le défunt a retrouvé Allah, le nom par lequel les musulmans désignent Dieu. Cependant, le qualificatif de martyr pour quelqu'un qui n'a pas été surnommé en vain "le boucher de Téhéran" est très suspect. 

Ce surnom n'était ni humoristique ni gratuit. Raisi était l'un des quatre juges qui ont supervisé le procès de masse de 1988 de milliers d'opposants politiques, dont la plupart ont été condamnés à mort. La fatwa avait été prononcée par le fondateur de la République islamique d'Iran, l'ayatollah Khomeini, mais comme toutes les dispositions sanglantes et capitales, elle exige des exécutants très diligents, et Raïsi s'en est acquitté avec un tel enthousiasme qu'il a gravi tous les échelons de la hiérarchie du régime. Le nombre d'opposants politiques exécutés par pendaison n'a jamais été connu avec certitude, étant donné le secret de ces procès qui se sont déroulés dans l'obscurité totale, mais des organisations telles qu'Amnesty International l'ont estimé à environ 5 000.  

Raisi n'a jamais abhorré l'assassinat d'opposants politiques, mais a toujours soutenu que leur élimination était dans l'intérêt de la sécurité nationale. En bref, ses mérites lui ont valu d'être nommé procureur général du régime.  

L'ancien président américain Donald Trump, honni, lui a imposé des sanctions personnelles en 2019, au motif qu'il avait ordonné l'exécution de personnes pour des crimes commis alors qu'elles étaient mineures, ainsi que pour avoir dirigé la répression sanglante contre le Mouvement dit vert, qui rassemblait ceux qui dénonçaient la fraude des élections de 2009 à l'issue desquelles Mahmoud Ahmadinejad est devenu président.  

En 2019, Raisi est devenu vice-président de l'Assemblée des experts, l'organe chargé d'élire le guide suprême. Il cumule ce poste avec celui de gardien de la Fondation Astan Quds Razavi, la plus importante du monde islamique, accumulant tant de pouvoir qu'il devient le prétendant le mieux placé pour succéder à Ali Khamenei, qui vient d'ailleurs de fêter ses 85 ans, un âge qui suscite ambitions et appétits pour lui succéder. Sa victoire et son accession à la présidence en 2021 le placent dans la meilleure position pour succéder à Khamenei.  

Cependant, outre Raisi, ces derniers mois a émergé la figure de Mojtaba, un religieux de rang inférieur qui possède une qualité unique : il est le fils du guide suprême et, numériquement bien sûr, a été élevé à la plus haute hiérarchie cléricale, ce qui a fait de lui cette année un prétendant ayant de bonnes chances de succéder à son auguste père.  

Pour l'instant, les procédures constitutionnelles seront suivies. Ainsi, le vice-président Mohammad Mojber occupera le poste de Raisi pendant cinquante jours, qu'Allah ait son âme, avant que le choix définitif du successeur ne soit fait. Mojber est un fidèle de la ligne dure et implacable de l'actuel guide suprême, tout comme Raisi.  

L'enjeu principal est en tout cas de déterminer la direction que prendra le régime. Au-delà des luttes personnelles pour le pouvoir, aucun changement substantiel ne semble devoir intervenir. Comme l'a montré la répression violente des manifestations organisées à la suite de la mort de la Kurde Mahsa Amini au poste de police de la moralité, arrêtée parce qu'elle ne portait pas correctement son foulard, le régime sait que sa survie dépend d'une escalade de plus en plus agressive de la répression. En témoignent les 226 personnes exécutées depuis le début de l'année 2024, dont au moins 10 femmes. Ces chiffres n'ont jusqu'à présent déclenché aucun mouvement de protestation parmi les élites des pays occidentaux, qui attendent peut-être de meilleures occasions de manifester.  

Il convient également de noter la réaction d'Israël, qui a nié toute implication dans ce malheureux accident. Il n'y a aucune raison de douter de la sincérité d'une telle affirmation. La Providence, dans le monde judéo-chrétien comme dans le monde islamique, agit à ses risques et périls, en dehors du domaine des hommes, ce terme étant entendu comme un terme générique qui englobe évidemment les hommes, les femmes et même les êtres non binaires.