Il n'y aura aucune pitié pour les vaincus de la guerre civile en Éthiopie

Le blocus absolu de l'information imposé par le gouvernement du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, rend impossible la vérification de la cartographie militaire d'une guerre que Ahmed lui-même, Prix Nobel de la Paix 2019, considère comme étant entrée dans sa phase finale. Les rebelles du Front populaire de libération du Tigré (FPLT), la région insoumise aux ordres d'Addis-Abeba, se déclarent prêts à s'immoler "jusqu'à ce que les envahisseurs soient expulsés", selon Debretsion Gebremichael, leader du FPLT, et ancien camarade d'Abiy Ahmed tant dans l'armée que dans les services secrets éthiopiens.
Les hôtes de Gebremichael ne parlent que de résistance et de périr plutôt que de se rendre, mais ils ne nient pas la chute des principales villes d'une région qui compte à peine cinq millions d'habitants, 4,5% de l'Ethiopie actuellement surpeuplée avec ses presque 110 millions d'âmes. En vérifiant les parties d'un côté et les omissions de l'autre, on considère comme acquis qu'Adigrat, Axoum et Adwa sont passés sous le contrôle des troupes fédérales. Il reste donc Mekele, la capitale de la région, qui compte un peu plus d'un demi-million d'habitants, et où les chars d'Abiy Ahmed se dirigent pour tenter de l'encercler. Son porte-parole militaire, le colonel Dejene Tsegaye, à la télévision d'État éthiopienne ETV, a appelé la population civile à retirer son soutien aux "autorités illégitimes du gouvernement [du Tigré]", avec un avertissement menaçant : "Il n'y aura pas de pitié après.
Le FPLT s'est efforcé d'internationaliser le conflit, né d'une attaque contre les bases militaires de l'armée fédérale après avoir reçu l'ordre de renoncer à son attitude insubordonnée et d'organiser des élections régionales en violation des ordres d'Addis-Abeba. Il a ensuite lancé des roquettes sur Asmara, la capitale de l'Érythrée voisine, pour tenter de l'impliquer dans le conflit, tout en encourageant un exode massif vers le Soudan, également dans l'intention d'attiser les esprits de Khartoum contre Addis-Abeba, qui sont très excités par le conflit découlant de la mise en service du barrage géant de la Renaissance, dont le Soudan, et surtout l'Égypte, estiment qu'il drainera jusqu'à 80 % des eaux du Nil, qui sont vitales pour les deux pays.
Abiy Ahmed a esquivé cette internationalisation et a refusé toute médiation, la dernière en date de l'Union africaine, dont le président actuel, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, dispose d'une équipe de techniciens et de diplomates prêts à négocier une désescalade militaire dans un premier temps, et un éventuel accord par la suite. Ni l'un ni l'autre ne sont dans l'esprit du prix Nobel de la paix, dont le comportement semble plus conforme à la fin de cette guerre avec l'asservissement total du Tigré, la région qui, dans un passé récent, avait la plus grande influence de toutes les minorités ethniques au sein du gouvernement fédéral éthiopien.
Il convient de rappeler que l'Éthiopie est l'un des deux seuls pays au monde qui reconnaissent le droit à la sécession (article 39.1 de la Constitution de 1994), avec l'archipel de Saint-Christophe-et-Nevis (article 115 de la Constitution de 1983). Sur la base de cette disposition, le gouvernement d'Addis-Abeba violerait donc l'application de ce droit par sa région autonome du Tigré.
Le Conseil de sécurité des Nations unies lui-même, en plus de se pencher sur les implications de cette guerre civile pour l'ensemble de la Corne de l'Afrique, s'apprête à se pencher, même collatéralement, sur l'ampleur de cette exception éthiopienne, qui "mutatis mutandis" a déjà eu ses antécédents dans la scission de la Crimée par rapport à l'Ukraine, d'intégrer immédiatement la Russie de Vladimir Poutine, et celle de l'implosion de l'Union soviétique elle-même, dont la Constitution garantissait également sur le papier le droit à la sécession des nombreux peuples et nations qui constituaient le plus grand pays de la planète, même si, comme on le sait, Moscou a envoyé dans l'archipel du Goulag ceux qui osaient revendiquer ce prétendu droit.