La France refuse de donner les pleins pouvoirs á Macron

Le singulier Jean-Luc Mélenchon, extrémiste de gauche et "insoumis", ne pourra pas prétendre au poste de Premier ministre, un droit qu'il s'était arrogé avant le second et dernier tour des élections législatives françaises. Sa coalition Nouvelle union populaire écologique et sociale, avec 142 sièges, dont 79 pour La France Insoumise (LFI), est la première force d'opposition, mais loin des 246 sièges remportés par la coalition Ensemble, soutenant le président Macron, qui a obtenu 246 sièges, loin de la majorité absolue dont elle disposait lors de la dernière législature, mais reste la première force politique à l'Assemblée nationale. Sur ces 246 députés d'Ensemble, 170 appartiennent à La République en Marche (LRM), soit beaucoup moins que les 262 que LRM comptait dans la législature qui vient de s'achever.
Avec son langage dramatique caractéristique, Mélenchon a qualifié les résultats de "défaite totale du parti présidentiel". Ce sont les excès verbaux de la soirée électorale, même s'il est vrai que la situation présente des caractéristiques sans précédent, à tel point qu'une paralysie pourrait se produire qui conduirait à devoir retourner aux urnes dans moins d'un an.
La raison en est que Macron, après sa confortable victoire aux élections présidentielles, a considéré que le moment était venu de renforcer avec une forte majorité à l'Assemblée nationale toute la batterie de mesures, plus que nécessaires, essentielles, pour moderniser le pays et se défaire de la pression de l'extrême gauche, des syndicats et des groupes de toutes sortes, qui ont systématiquement boycotté toute tentative de modifier le système rigide de protection et de garanties de la France. En fait, la mesure phare de Macron, le report de la retraite à 65 ans ! ne sera probablement pas abordée non plus au cours de cette législature.
Macron avait demandé une majorité confortable pour cette réforme et les autres, une sorte de pleins pouvoirs que les citoyens lui ont manifestement désormais refusés, rendant pratiquement impossible de les proposer avec une quelconque chance de succès. La Première ministre Elizabeth Borne a elle-même qualifié la situation de sans précédent, "ce qui constitue un risque pour notre pays". Elle a promis que dès aujourd'hui, le macronisme tentera de construire "une majorité d'action, car il n'y a pas d'alternative pour garantir à notre pays la stabilité et pouvoir poursuivre les réformes nécessaires".
Pour ce faire, Macron ne peut compter que sur les 64 députés que la droite traditionnelle, désormais appelée Les Républicains (LR), a réussi à conserver, loin de la centaine dont elle disposait dans la législature sortante, mais suffisamment pour former une majorité absolue sur les 577 députés de l'Assemblée nationale s'ils étaient ajoutés aux 246 députés du macronisme.
Cependant, LR s'est également positionné dans l'opposition depuis la nuit des élections, il faut donc s'attendre à ce que ce parti vende son soutien présumé à un prix élevé. Un soutien qui peut s'avérer insuffisant en cas de réformes majeures, par exemple la réforme de l'âge de la retraite et la simplification des catégories personnelles et sociales d'accès à celle-ci. Celles-ci sont si profondément ancrées dans le tissu social qu'une alliance entre Macronistes et Républicains ne suffirait pas.
S'il y a un vainqueur incontestable de ces élections législatives françaises, il semble indiscutable que c'est le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, qui revendique pour son groupe le leadership de l'opposition. En effet, en tant que parti, ses 89 sièges sont plus nombreux que les 79 de LFI de Mélenchon et les 64 de LR.
Pour Le Pen, ce résultat lui donne un goût de revanche. Compte tenu du système électoral majoritaire à deux tours en vigueur en France, par le passé, le RN n'a même pas pu obtenir les 15 sièges nécessaires pour former un groupe parlementaire, ce qui constitue un décalage évident entre le grand nombre de voix obtenues par Le Pen dans les urnes et la maigre représentation qu'il a obtenue dans l'hémicycle. Cette fois-ci, c'est différent, et Le Pen a non seulement surmonté un système électoral qui l'a particulièrement punie, mais elle a également éliminé au passage les concurrents de Reconquista, le parti d'Éric Zemmour, qui lui disputaient l'espace ultra-nationaliste.
Le Pen a promis une opposition dure, au moins aussi dure de l'autre côté que dans le camp de Mélenchon. Ni l'un ni l'autre ne semble laisser de place à un pacte avec le macronisme, d'où le risque de paralysie évoqué tant à l'Élysée qu'à Matignon, le siège du Premier ministre.
Ces élections nous ont également apporté une version actualisée du fait que le siège politique est pour ceux qui y travaillent. Macron avait prévenu ses ministres et secrétaires d'État que ceux qui ne remportaient pas leurs sièges devaient quitter le gouvernement. La plupart ont obtempéré, à commencer par la Première ministre, Elisabeth Borne. Certains, comme Olivier Véran, ministre des Relations avec le Parlement, Olivier Dussopt, ministre du Travail, et Clément Beaune, ministre de l'Europe, ont battu leurs adversaires par des marges très étroites.
En revanche, Brigitte Bourguignon, ministre de la Santé, Amélie de Montchalin, ministre de la Transition écologique et Justine Benin, secrétaire d'État chargée de la Mer, n'ont pas conservé leur siège et ne pourront donc plus s'asseoir à la table du Conseil des ministres. Deux autres poids lourds macronistes, Christophe Castaner, président du groupe parlementaire LRM à l'Assemblée nationale, et Richard Ferrand, jusqu'ici président de la chambre basse de France, ont également subi de sévères défaites