Netanyahu va gouverner un Israël plus radicalisé

La page Netanyahou n'a pas été définitivement tournée, il semble même qu'elle doive être relue encore plus attentivement maintenant si possible. Cinq élections en moins de quatre ans ont été nécessaires pour que le leader du Likoud ait dessiné les contours d'un bloc qui, cette fois, aura un avantage minimum de 61 ou 62 sièges, sur les 120 que compte la Knesset, pour mettre en place une législature normale, dans la particularité de ce que ce terme signifie en Israël.
Sauf imprévu de dernière minute dans le décompte des voix, le Conseil central électoral donnera les résultats définitifs le 9 novembre, en vertu desquels Benjamin "Bibi" Netanyahou sera chargé de former un gouvernement qui reflétera nécessairement la radicalisation qui s'est opérée dans la politique israélienne.
Itamar Ben Gvir, leader d'Otzma Yehudit (Pouvoir juif) qui, en coalition avec le sionisme religieux, fournit 15 députés à Netanyahou, siégera très probablement dans ce cabinet avec un credo qui peut se résumer à l'annexion sans cérémonie de tous les territoires occupés ; une main de fer avec la population arabe à l'intérieur et à l'extérieur d'Israël ; le rétablissement de la peine de mort pour les terroristes palestiniens et l'immunité de poursuites pour les actions des Forces de défense israéliennes (FDI) dans leurs opérations "antiterroristes".
Considéré comme un ultra-nationaliste, opposé à toute solution avec les Palestiniens qui n'implique pas la domination absolue d'Israël et l'expulsion des "Arabes déloyaux", Ben Gvir a même appelé au contrôle de la sécurité nationale. Trop de gâteau pour Netanyahou, qui ne pourra toutefois pas l'expédier avec un portefeuille moins important. Admirateur et partisan de Donald Trump, l'ascension de Ben Gvir est allée de pair avec l'effondrement d'autres formations ultra-orthodoxes, comme le Foyer juif, dirigé par l'éphémère ministre de la Défense Ayelet Shaked sous le gouvernement de Yair Lapid.
Le sionisme religieux et le pouvoir juif ont également en ligne de mire le renversement des réformes, qualifiées de libérales, mises en œuvre par les gouvernements de Naftali Bennett et de Yair Lapid. Ils sont également d'accord avec Netanyahou sur une réforme du système judiciaire, qui, dans le cas du prévisible Premier ministre, le disculperait une fois pour toutes des quatre affaires judiciaires encore pendantes contre lui.
À cet égard, l'électorat israélien semble avoir rejoint la tendance qui met à mal la valeur de l'honnêteté en tant que pilier de la démocratie, sous couvert d'une plus grande efficacité dans la gestion. Ainsi, en à peine une semaine, le Brésil a opté pour un Lula da Silva disculpé, et non acquitté, de ses délits de corruption, tandis qu'Israël, avec toutes ses complexités, a opté pour une justice en cours d'enquête, avec de forts indices de culpabilité. Et nous n'avons pas encore vu le retour au Royaume-Uni d'un Boris Johnson en attendant le verdict final sur ses mensonges présumés au Parlement.
L'explosion de l'ethno-nationalisme israélien a été stimulée dans une large mesure par la violence croissante qui, depuis l'été, a opposé non seulement les Israéliens et les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, mais aussi les Juifs et les Arabes israéliens. La multiplication des incidents a exacerbé les tensions et la haine latente entre Juifs et Palestiniens se réveille à la moindre étincelle. Le climat qui en résulte est propice à l'extrémisme et glorifie ceux qui, comme Ben Gvir, préconisent les solutions les plus radicales.
Malgré sa supposée "mollesse", le Premier ministre sortant Yair Lapid est personnellement bien sorti des élections, ayant progressé de quatre sièges sur ses 17 des élections précédentes, bien que nettement insuffisant, avec les 37 de ses alliés, pour perturber la majorité virtuelle du bloc de Netanyahou avec les nationalistes ultra-orthodoxes.
Le vieux renard de la politique israélienne aura à nouveau l'occasion de jouer un rôle décisif dans la politique étrangère du pays. Tout d'abord, vis-à-vis de son allié indéfectible, les États-Unis, une fois que les élections de mi-mandat de mardi prochain auront déterminé si les Républicains et leur leader, Donald Trump, retrouveront une grande partie de leur pouvoir perdu. Et, étroitement lié à cela, quel côté Israël, avec Netanyahu à la barre, prendra finalement dans la guerre en Ukraine, où l'ambiguïté de Jérusalem envers le président Vladimir Poutine, agresseur incontesté et déclencheur d'une guerre dont le monde entier subit les effets, devient de plus en plus incompréhensible pour la communauté internationale.