Le problème du Tibet refait surface

Annexé par Mao Tsé-Toung en 1950 sous prétexte de le libérer de son régime féodal, son chef spirituel, le Dalaï Lama, a toujours mené une lutte politique contre Pékin, qui connaît aujourd'hui un nouveau tournant.
À l'occasion de son 90e anniversaire, le 6 juillet dernier, Tenzin Gyatso, 14e chef spirituel et politique des Tibétains, a lancé un nouveau défi au pouvoir chinois en déclarant qu'après sa mort, « l'institution du Dalaï-Lama se perpétuera, et que ce sera le Gaden Phodrang, c'est-à-dire son conseil des notables, quiidentifiera son successeur conformément aux procédures de recherche et de reconnaissance prévues par la tradition ». Cette disposition est suivie d'une conclusion très importante : « Personne d'autre n'a le pouvoir d'intervenir dans cette affaire ».
Par cette déclaration catégorique, le Dalaï Lama s'oppose aux manœuvres du Parti communiste chinois visant à nommer le successeur de Tenzin Gyatso, en arguant que lui-même et le Panchen Lama, la deuxième autorité spirituelle, doivent être élus conformément aux règles impériales du XVIIIe siècle et au rituel de l'Urne d'Or, une interprétation que le Dalaï Lama encore en fonction désavoue expressément en ajoutant que son successeur « sera nécessairement quelqu'un qui sera né dans le monde libre ».
Sa Sainteté, comme l'appellent ses fidèles, reconnu comme la réincarnation du précédent alors qu'il n'avait que deux ans, a fui le Tibet lorsque les troupes chinoises ont envahi le pays en 1950, le soumettant à une violente répression. Le Dalaï Lama s'est réfugié dans le nord de l'Inde, où il a vécu toute sa vie dans un monastère de McLeod Ganj, connu sous le nom de « Petite Lhassa », près de la ville principale de Dharamsala.
Dans son dernier communiqué, le Dalaï Lama exhorte également ses partisans à rejeter toute figure imposée par la Chine, arguant que « la véritable réincarnation doit être libre de toute manipulation politique et naître dans un environnement où la liberté religieuse est respectée ».
La communauté tibétaine en exil craint que la Chine n'encourage une fracture interne au sein du peuple tibétain si, comme prévu, Pékin finit par désigner un Dalaï Lama alternatif. Il existe déjà un précédent avec l'actuel Panchen Lama, fidèle au régime. En 1995, le Dalaï Lama a publiquement reconnu Ghedun Choekyi Nyima, alors âgé de six ans, comme la réincarnation du Panchen Lama. Le régime chinois l'a immédiatement enlevé et le maintient depuis lors dans un lieu inconnu, tout en choisissant Gyaltsen Norbu, qui a toujours suivi strictement les directives données par Pékin.
Bien que la Chine ait réalisé d'importants investissements pour moderniser le Tibet, le dotant même d'un attrait touristique impressionnant avec le Transtibétain ou Train des nuages, le plus haut du monde, qui relie Xining à Lhassa en 21 heures, elle n'a pas réussi à éradiquer la profonde spiritualité bouddhiste des Tibétains. Elle a donc choisi de garantir son contrôle idéologique sur la région et ses institutions religieuses, espérant que le temps et l'éloignement des figures du bouddhisme tibétain en exil affaibliront la résistance.
D'autre part, compte tenu de l'asile que l'Inde offre depuis sept décennies au Dalaï Lama et à son conseil de gouvernement, cette question pourrait également être un facteur de tension entre les deux principales puissances asiatiques.
Par ailleurs, le Tibet, une région deux fois et demie plus grande que la péninsule ibérique, est le principal et le plus grand plateau du continent, et le lieu de naissance des principaux cours d'eau de la chaîne himalayenne, de plus en plus essentiels pour alimenter l'agriculture intensive de la Chine et de l'Inde ainsi qu'une grande partie de leur gigantesque population humaine. Il s'agit donc également d'un trésor naturel qui pourrait être source de conflits si le réchauffement climatique venait à réduire considérablement les apports en eau des montagnes de l'Himalaya.