L'Europe, une réalité vivante

L'Europe est aujourd'hui une réalité, une maison commune ; c'est un avenir qui est arrivé et, en même temps, un présent en constante évolution. Comme l'a dit Ortega, "l'Europe est un chemin et non une auberge". Il s'agit d'une réalité vivante à laquelle nous participons directement et qui nous touche tous dans de nombreux aspects de notre vie quotidienne, peut-être sans que nous nous en rendions compte, et qui est définie à la perfection dans la devise de l'Union, que nous, les Espagnols, aimons tant : "L'unité dans la diversité".
Outre un contenu économique évident, dans la sphère politique, l'État de droit social et démocratique - de la construction européenne - est fermement ancré et le processus s'est poursuivi jusqu'au traité de Lisbonne, manifestation du principe de continuité, fondé sur les paroles de Robert Schuman : "L'Europe ne se fera pas d'un seul coup, mais dans une construction commune par des réalisations concrètes, créant surtout une solidarité de fait".
Cependant, l'adhésion à l'Union européenne a eu pour conséquence que tous les États lui ont cédé l'exercice de compétences découlant de leurs Constitutions respectives, telles que, ni plus ni moins, la production de règles juridiques qui étaient jusqu'alors réservées à chaque État.
Nous sommes souvent inconscients de l'importance du droit européen dans le développement de notre vie quotidienne. Il n'est pas difficile de voir la répercussion des règlements et directives communautaires dans les textes réglementaires des États, ainsi que dans ceux des différentes régions et dans des domaines aussi pertinents que la fonction publique ou les contrats administratifs.
La réalité est qu'une communauté de droit directement applicable a été créée dans tous les États. Il se trouve que la singularité de l'organisation supranationale consiste dans le fait que, en tant qu'État souverain, elle crée aussi du droit adressé tantôt aux États membres, tantôt aux citoyens de ces États, aux citoyens européens.
La création d'un nouveau système juridique devient donc la principale caractéristique de cette organisation, qui dispose d'une Cour de justice dont la jurisprudence a défendu, dès le départ, la primauté du droit européen sur celui des États membres, en soulignant l'existence d'un système juridique propre intégré dans chaque système juridique et que ce système est contraignant et applicable par et dans les États. C'est ce qui ressort expressément du célèbre arrêt Costa c. Enel du 15 juillet 1964 - qui a examiné le conflit entre les dispositions d'une règle du TCE et une loi italienne postérieure à l'entrée en vigueur du TCE -, dans lequel il a été établi que, contrairement aux traités internationaux ordinaires, le traité instituant la Communauté économique européenne a créé un système juridique propre intégré dans l'ordre juridique des États membres dès l'entrée en vigueur du traité et qui lie leurs tribunaux.
Les États membres ne peuvent donc pas prétendre qu'une de leurs règles, élaborée unilatéralement, bien que postérieurement, devrait primer sur les règles de l'ordre juridique européen, qu'ils ont eux-mêmes créé sur la base de la réciprocité.
On peut dire que les traités communautaires constituent la Charte constitutionnelle de l'Union européenne et, comme c'est le cas pour la Constitution dans l'ordre interne, ils jouissent d'une prévalence sur le reste du droit communautaire et sont également dotés d'une rigidité particulière car la procédure de leur réforme est spéciale.
Et le fait est que le droit communautaire, -le droit européen- déploie tous ses effets de manière uniforme dans tous les Etats membres, constituant une source immédiate de droits et d'obligations pour tous ceux qui sont concernés, qu'ils soient Etats membres ou individus. Le droit européen et le droit national sont considérés comme des systèmes juridiques autonomes, bien qu'intégrés et coordonnés, de sorte que les règles européennes ne sont pas considérées comme supérieures aux lois nationales, mais comme spéciales.
C'est la grande vertu de l'Union européenne : économique, politique et, bien sûr, juridique.