La crise des salaires en Libye révèle l'incapacité des autorités à assurer la stabilité financière

Cette crise salariale met en évidence une mauvaise gestion des ressources et un manque de coordination entre les autorités et les agences du pays 
Banco Central de Libia en Trípoli - REUTERS/ ISMAIL ZITOUNY
La banque centrale de Libye à Tripoli - REUTERS/ ISMAIL ZITOUNY

La Libye est confrontée à une grave crise financière qui a entraîné des retards dans le versement des salaires de quelque 2,3 millions d'employés publics en novembre, après que le gouvernement a été contraint d'emprunter pour couvrir les paiements du mois d'octobre. 

Une source de la Banque centrale de Libye a déclaré à Al-Arab que le retard dans le paiement des salaires était dû à l'absence de transferts de revenus depuis plusieurs mois. En réponse, la Société nationale de pétrole a pris la responsabilité d'atténuer les conséquences de la crise en publiant un calendrier de transferts des revenus pétroliers des comptes de l'institution vers ceux de la Banque centrale de Libye. Ces transferts, qui ont commencé en janvier 2024 et se sont poursuivis jusqu'au 25 novembre, ont totalisé 14,362 milliards de dollars, répartis sur 21 transferts. 

La Société nationale de pétrole a précisé que, selon le rapport soumis, il n'y a pas eu de retard dans le transfert des revenus susmentionnés, et que ce fait n'a à aucun moment constitué un obstacle au paiement des salaires des employés du secteur public. Au contraire, la Société a été très prudente en transférant les montants dus avant leur date d'échéance dans la plupart des cas. Il a également expliqué que la baisse des revenus pétroliers au cours de la dernière période n'était pas due à des retards, mais à la crise de la Banque centrale de Libye et aux fermetures qui en ont résulté, ainsi qu'à l'arrêt de la production dans le champ pétrolifère de Sharara. 

Pour sa part, Omar Bseisa, membre du ministère des Finances de l'ancien Gouvernement d'union nationale, a expliqué que les salaires d'octobre ont été couverts par un prêt de la Banque centrale de Libye. Bseisa a assuré que son ministère était disposé à transférer les salaires, mais que cela dépendait de l'approvisionnement du compte et de la garantie de la couverture nécessaire.  

Il a toutefois souligné qu'il n'avait reçu aucune information à ce sujet, compte tenu notamment de l'absence totale de communication de la part de l'institution bancaire.

Selon le parti au pouvoir, la crise est due à l'absence de couverture financière des comptes du Trésor, ce qui pourrait entraîner un retard dans le paiement des salaires de quelque 2,3 millions d'employés publics, si le déficit financier persiste. 

<p>Refinería de petróleo en Zawiya, 55 km al oeste de Trípoli - REUTERS/ ISMAIL ZITOUNY</p>
Raffinerie de pétrole à Zawiya, à 55 km à l'ouest de Tripoli - REUTERS/ ISMAIL ZITOUNY

Depuis des années, la Libye est confrontée à l'incertitude du versement des salaires en raison des pénuries de liquidités, un problème que les responsables gouvernementaux ont attribué à l'instabilité, au manque de sécurité et à la fermeture des installations pétrolières. 

Cette crise salariale reflète une mauvaise gestion des ressources et un manque de coordination entre les autorités et les agences du pays.  

Le fait que le ministère des Finances du Gouvernement d'unité ait dû recourir à un prêt de 5,3 milliards de dinars (environ 1,08 milliard de dollars) pour couvrir les salaires du mois d'octobre témoigne de l'incapacité des autorités à assurer un flux financier régulier, surtout si l'on considère les défis économiques auxquels le pays est confronté. 

<p>Vista general de la Corporación Nacional del Petróleo (NOC) del estado libio en Trípoli, Libia - REUTERS/ HAZEM AHMED</p>
Vue générale de la National Oil Corporation (NOC) de l'Etat libyen à Tripoli, Libye - REUTERS/ HAZEM AHMED

Les cercles politiques en Libye attribuent le retard des salaires à l'incapacité des autorités gouvernementales depuis 2011 à assurer les équilibres financiers nécessaires. Ce manque de contrôle a conduit à l'effondrement de la monnaie locale et à des pénuries de liquidités, donnant lieu à la manipulation de la monnaie et à la contrefaçon, au pillage des fonds publics et à la consolidation de la corruption en tant que phénomène politique et social, étroitement lié à l'appartenance à l'appareil gouvernemental et aux institutions de l'État. 

Début novembre, une réunion au siège de l'Autorité de contrôle administratif a identifié trois raisons principales expliquant le retard dans le versement des salaires. Premièrement, l'insuffisance des revenus transférés de la Société pétrolière à la Banque centrale pour couvrir les salaires. Deuxièmement, l'impact des réformes salariales prévues pour certains secteurs publics et, troisièmement, le retard dans le transfert des revenus pétroliers, conformément à l'accord 2020 qui stipule que les revenus doivent être transférés dans les 48 heures sur le compte souverain de l'État et ensuite sur le compte du ministère des finances à la Banque centrale.  

Le nombre d'employés publics en Libye a atteint 2,3 millions, une augmentation significative par rapport aux 900 000 employés enregistrés en 2010.