La Cour pénale suprême égyptienne pour la sécurité de l'État, qui traite les affaires liées au terrorisme, a adressé une "notice rouge" à Interpol à l'encontre de six dirigeants des Frères musulmans, les accusant de faire passer des fonds à l'étranger et de financer le terrorisme.
Cette liste comprend des personnalités telles que Mahmoud Hussein, secrétaire général du mouvement jusqu'en 2020 et homme fort d'Istanbul, ainsi que Medhat Ahmed al-Haddad, Mohamed Zenati, Assem Mohamed Hussein, Ahmed Yasser et Moaz Abdel Azim. Plusieurs d'entre eux sont actuellement en exil en Turquie.
Le tribunal a accusé les prévenus d'avoir "assumé la direction d'un groupe terroriste et rejoint le groupe en connaissant ses objectifs", tandis que l'ordonnance indique qu'entre 2015 et 2021, ils ont rejoint un groupe terroriste, participé à la contrebande de fonds à l'étranger et réalisé des publications incendiaires.

Une notice rouge est une demande adressée par un pays, par l'intermédiaire d'Interpol, aux services répressifs du monde entier afin de localiser et d'arrêter provisoirement une personne en attente d'extradition, de remise ou d'une action judiciaire similaire.
Cette notification intervient quelques jours après que la justice égyptienne a placé 20 des dirigeants du groupe sur la liste des terroristes du pays, rapporte Arabnews.
Les Frères musulmans sont un mouvement islamiste sunnite transnational apparu en Égypte en 1928, qui cherche à faire appliquer la charia (loi islamique) dans le cadre d'un califat mondial. Lors des élections présidentielles de 2012, à la suite des manifestations qui ont mis fin à la présidence d'Hosni Moubarak en Égypte, les Frères musulmans sont arrivés au pouvoir sous la direction de Mohamed Morsi. Mais un an plus tard, dans le cadre d'un nouveau mouvement de protestation contre l'autoritarisme croissant de Morsi, ils ont été chassés du pouvoir par un coup d'État de l'armée, dont le commandant en chef, Abdel Fattah al-Sisi, est ensuite devenu président.

Depuis lors, le Caire a interdit le mouvement et l'a soumis à de lourdes persécutions, la plupart de ses membres ayant fui le pays, principalement vers deux destinations, Londres et Istanbul.
Le gouvernement de Recep Tayyip Erdoğan a été le principal allié et soutien du mouvement, qu'il a instrumentalisé depuis 2011 pour accroître son influence dans le monde arabe. Mais depuis plusieurs mois, la situation des Frères musulmans dans la capitale turque est de plus en plus précaire, car Ankara cherche à réduire les tensions avec ses rivaux arabes, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l'Égypte, tous trois fermement opposés au groupe islamiste.
Avec les problèmes économiques qui accablent le pays, et une élection présidentielle dans un an, Erdoğan a cherché à arrondir les angles avec les puissances arabes, cherchant à augmenter le commerce et les investissements et à réduire les tensions régionales. Mais le Caire s'est avéré être la noix la plus difficile à casser pour la diplomatie turque.

Pour coopter le pays d'Afrique du Nord, Ankara a réduit son soutien aux membres exilés des Frères musulmans. Le gouvernement d'Erdoğan a réduit la marge de manœuvre des chaînes et des médias du mouvement opérés depuis le sol turc et, selon Al Monitor, plusieurs hauts responsables auraient été poussés à quitter le pays.
Or, la demande d'extradition, si elle est acceptée, porterait un coup sévère aux activités du groupe islamiste en Turquie. Depuis 2013, une bataille féroce s'est engagée pour son leadership entre Londres et Istanbul, et la balance pourrait désormais pencher en faveur de la branche britannique.