Les mercenaires Wagner et l’armée biélorusse organisent des exercices conjoints à la frontière polonaise

Trois semaines après la rébellion ratée de Wagner en Russie, qui a entrainé l’exil du patron du groupe Evgueni Prigojine et de certains de ses combattants en Biélorussie, le groupe paramilitaire va travailler comme « instructeur » pour les forces de défense territoriale de Biélorussie.
Le service de presse du ministère biélorusse de la Défense a confirmé ce jeudi 20 juillet que la compagnie militaire privée Wagner participera à la formation des militaires biélorusses à travers des exercices conjoints près d’Osipovichi, à la frontière polonaise. Le message indique que « les militaires maîtrisent les compétences de mouvement sur le champ de bataille et de combat et de tir tactique, acquièrent des connaissances sur la formation en ingénierie et la médecine de terrain. Les combattants du groupe Wagner ont agi en tant qu'instructeurs dans un certain nombre de disciplines militaires ».
The arrival of Wagner thugs introduces yet another element of instability in Belarus. No one will feel safe with these war criminals roaming our country. Not only are they extremely dangerous, but their unpredictability also adds to the threat for Belarusians & our neighbors. pic.twitter.com/imQG0J46Go
— Sviatlana Tsikhanouskaya (@Tsihanouskaya) July 19, 2023
Une vidéo des exercices a été publiée sur YouTube, dans laquelle le ministère biélorusse affirme qu’il s’agit « d’une expérience très utile pour notre armée » qui n’a « pas participé à des combats depuis la fin de la guerre en Afghanistan » (en 1979). En outre, le chef de Wagner s’est exprimé mercredi dans une vidéo publiée sur Telegram, dans laquelle on peut voir Evgueni Prigojine accueillir ses combattants en Biélorussie et affirmer qu’ils ne combattront plus sur le front ukrainien.
Dans ce contexte d’instabilité frontalière, la Pologne avait déjà annoncé plus tôt dans le mois l’envoi de 500 membres des forces de l’ordre à sa frontière avec la Biélorussie afin de pouvoir gérer le flux de migrants ainsi qu’une potentielle menace de la part des mercenaires russes. En effet, selon Euronews, Minsk a déjà été accusée d'avoir armé sa frontière avec les États membres de l'Union européenne en amenant délibérément à la frontière des milliers de migrants étrangers, principalement du Moyen-Orient, en représailles aux sanctions de l'UE contre Minsk pour des élections frauduleuses et la violente répression des manifestations pro-démocratie qui a suivi.
Yevgeny Prigozhin sighted! He says Wagner will "be here in Belarus for some time" before "gathering our strength and heading off for Africa."
— max seddon (@maxseddon) July 19, 2023
"We may return to [fight in Ukraine] when we will be certain that we won't be made to disgrace ourselves and our experience," he added. pic.twitter.com/G4W2uWSjNC
Dans la foulée, d’autres pays limitrophes de la Biélorussie comme la Lituanie ou la Lettonie ont demandé plus de solidarité au bloc et à l'Otan face à la présence du groupe de mercenaires Wagner et au risque « d'infiltration » dans leurs pays. À son arrivée au sommet des dirigeants européens à Bruxelles, le Premier ministre letton Arturs Krišjānis Kariņš avait déclaré aux journalistes : « cela représente potentiellement une menace. La menace ne serait probablement pas une menace militaire frontale, mais la menace d'une tentative d'infiltration en Europe à des fins inconnues. Cela signifie donc que nous devons renforcer notre sensibilisation aux frontières et nous assurer que nous pouvons contrôler cela ». Le président lituanien, Gitanas Nausėda, est également « extrêmement préoccupé par les développements en Biélorussie ». Il a déclaré que l'OTAN devrait se préparer à « prendre des décisions audacieuses sur le renforcement de [son] flanc oriental ».
L’utilisation de plus en plus fréquente de groupes paramilitaires est préoccupante. Les combattants de Wagner ont joué un rôle majeur sur plusieurs terrains comme en Ukraine mais surtout en Syrie et dans le Sahel. Le groupe avait aidé les forces régulières russes à annexer la Crimée en 2014 ou encore les forces syriennes de Bashar al-Assad en 2015. Elle est également de plus en plus présente en République centrafricaine et au Mali depuis le coup d’État.
Another convoy of PMC Wagner has arrived in Belarus, - Belaruski Gayun
The convoy consists of at least 20 vehicles of various modifications. The vehicles were moving with Russian flags and with the symbols of PMC "Wagner".
This is at least the 3rd column with mercenaries, which… pic.twitter.com/hPesyyQ8JL— Iuliia Mendel (@IuliiaMendel) July 17, 2023
Depuis le début de la guerre en Ukraine, Wagner a perdu 22 000 hommes et 40 000 ont été blessés. Au total, 78 000 combattants auraient participé à l’offensive, dont 49 000 prisonniers. Environ 10 000 d’entre eux arriveront en Biélorussie dans les prochains jours, selon une publication partagée sur Telegram d’un haut commandant du groupe.
L’emploi de sociétés militaires privées a toujours été un atout pour Moscou, dans la mesure où elles lui ont permis d’obtenir des effets politiques et stratégiques sans avoir à engager des forces nationales. Elles sont ainsi attrayantes pour Moscou en raison de leur capacité à nier les faits, de l’absence de responsabilité de l’État pour leurs actions, de leur facilité d’utilisation par rapport aux forces russes et de leur coût moins élevé – on parle de déni plausible. Néanmoins, la mutinerie avortée des hommes de Wagner reste perçue comme un défi sans précédent au pouvoir du président russe, Vladimir Poutine.