Le mirage de Tindouf : le droit au retour comme issue digne

Article extrait de l'exposé présenté lors de l'événement parallèle à la 59e session du Conseil des droits de l'homme, qui s'est tenu à Genève le 25 juin 2025 sous le titre « Le droit au retour »
Campo de refugiados saharauis de Smara, en Tinduf - REUTERS/BORJA SUÁREZ
Camp de réfugiés sahraouis à Smara, Tindouf - REUTERS/BORJA SUÁREZ
  1. Le mur de fumée humanitaire
  2. Un régime sans oxygène démocratique
  3. L'Algérie : tuteur, complice et bénéficiaire
  4. Le droit au retour comme impératif moral
  5. Conclusion : briser le mirage

Le désert algérien recèle un paradoxe qui dure depuis trop longtemps : au nom de la « cause sahraouie », des dizaines de milliers de personnes sont retenues captives dans des camps fermés, gérés par un groupe armé – le Front Polisario – qui exerce un pouvoir absolu sans rendre de comptes à personne. 

Ceux qui se proclament porte-parole ou protecteurs d'un peuple répriment ce même peuple, tandis que l'Algérie leur fournit un territoire, une logistique et son silence. Telle est la vérité dérangeante qui, aujourd'hui plus que jamais, mérite de faire la une de la presse internationale. Loin d'être le cas, c'est plutôt le contraire qui se produit, notamment en Espagne.

Le mur de fumée humanitaire

Depuis 1975, le Polisario cultive habilement l'image d'un « mouvement de libération » autoproclamé et d'un pseudo-État. Pourtant, les faits documentés démolissent ce récit. Des rapports des Nations unies, d'organisations de défense des droits de l'homme et même des jugements européens et des affaires encore en cours dans des pays comme l'Espagne indiquent que d'anciens combattants sahraouis ont occupé des postes clés dans des réseaux djihadistes du Sahel (AQMI, MUYAO, EIGS) et participent au trafic d'armes et d'êtres humains. Cette métamorphose révèle un ADN violent et pragmatique : lorsque l'épopée révolutionnaire fait défaut, on recourt au crime organisé pour financer la structure. 

La veine criminelle n'est pas seulement externe. À l'intérieur des camps, le détournement de l'aide humanitaire est devenu un axe de pouvoir : l'Office européen de lutte antifraude a estimé que 105 millions d'euros ont fini dans les poches des dirigeants du Polisario et des officiers algériens en une seule décennie. Des denrées alimentaires vendues dans des villes algériennes et des pays limitrophes, des médicaments revendus en Mauritanie ou de l'argent blanchi en Espagne par le biais de réseaux liés au Hezbollah, comme cela a été révélé à l'époque. C'est ainsi que se finance un appareil qui prétend protéger les réfugiés tout en les enfermant dans un calvaire sans fin dans des camps. Ainsi, en les privant de leurs maigres moyens de subsistance, on provoque un génocide. L'un des pires qui soient : au ralenti.

Campamento de refugiados Tinduf – PHOTO/ARCHIVO
Camp de réfugiés de Tindouf - PHOTO/FILE

Un régime sans oxygène démocratique

Ce que l'opinion publique occidentale considère comme des « camps de réfugiés » est pour de nombreux Sahraouis une sorte de goulag contemporain. Les milices du Polisario contrôlent les mouvements, délivrent les permis de sortie et décident qui a droit à des bourses, à un emploi ou à de simples rations de farine. Ceux qui osent s'opposer disparaissent ou finissent dans des prisons secrètes comme Errachid, où la « seringue rectale » remplie d'eau salée, l'électrocution et l'isolement prolongé sont monnaie courante. 

À la répression politique s'ajoute un apartheid ethnique dont on parle peu : les familles d'origine noire – les Haratines – héritent de tâches serviles et sont exclues de toute représentation au sein des instances internes. L'esclavage moderne en plein XXIe siècle. Ce système de castes contredit tout discours émancipateur au sein de la société faussement prétendue égalitaire que le Polisario prônait depuis ses origines, et confirme que ceux-ci reproduisent à Tindouf l'oppression qu'ils prétendent combattre.

L'Algérie : tuteur, complice et bénéficiaire

Rien de tout cela ne serait possible sans le consentement d'Alger. Le gouvernement algérien cède des terres, des armes et une protection diplomatique, mais se décharge de ses responsabilités en tant qu'État hôte. Il empêche le HCR, ou l'organisme compétent, de procéder à un recensement complet – le nombre réel de réfugiés reste un mystère – et interdit les missions indépendantes des droits de l'homme. Cette opacité protège un statu quo lucratif : pour chaque sac de farine européen détourné, quelqu'un perçoit une taxe informelle, pour chaque cargaison de carburant subventionnée, une faction militaire engraisse ses comptes. La souffrance des Sahraouis est rentable. 

Face à ce labyrinthe d'impunité, le Maroc a proposé une issue réaliste : un plan d'autonomie avancée sous souveraineté marocaine qui garantit l'autonomie locale, des investissements massifs dans les infrastructures et la pleine inclusion dans la vie nationale. Les provinces du sud enregistrent aujourd'hui les taux d'alphabétisation et de couverture sanitaire les plus élevés de leur histoire ; elles attirent le tourisme, les énergies renouvelables et les start-ups technologiques. C'est là, et non dans les huttes poussiéreuses de Tindouf, que bat un véritable espoir d'avenir pour les Sahraouis qui aspirent à prospérer sans tutelle.

Brahim Ghali, líder del Frente Polisario - AP/FATEH GUIDOUM
Brahim Ghali, chef du Front Polisario - AP/FATEH GUIDOUM

Le droit au retour comme impératif moral

Le droit international est clair : toute personne peut quitter n'importe quel pays et retourner dans son pays d'origine. À Tindouf, ce droit est bafoué. Il n'est pas nécessaire de trouver des solutions miracles – recensements biométriques de dernière génération ou couloirs humanitaires gardés par des casques bleus – pour commencer à briser les chaînes. Il suffirait de mettre en œuvre plusieurs premières mesures : 

  1. Autoriser l'entrée d'organisations internationales de défense des droits de l'homme et d'observateurs indépendants, afin d'enregistrer les volontés de retour et de mener des missions de vérification. Ces derniers devront également mettre en place un mécanisme de contrôle de la distribution de l'aide humanitaire et prévenir son détournement. 
  2. Mettre en place un mécanisme de recensement ou d'identification documentaire sous supervision internationale de la population retenue dans les camps, par l'entité ou les entités convenues, afin que, une fois identifiées, les personnes qui souhaitent rentrer puissent se voir délivrer des passeports valides. 
  3. Convenir d'un système garantissant le droit au retour volontaire, libre et digne des réfugiés sahraouis au Maroc, sans conditions ni représailles. Un exemple pourrait être d'autoriser l'organisation de convois de retour progressifs – familles entières, personnes âgées, malades – accompagnés par le Croissant-Rouge et des ONG internationales. 

Il ne s'agit pas de chimères, mais d'obligations fondamentales que l'Algérie et le Polisario éludent systématiquement. 

L'Europe, si rigoureuse lorsqu'il s'agit de contrôler les démocraties consolidées, a fait preuve d'une indulgence surprenante face à ces violations. Les députés qui signent des résolutions sur le Sahara visitent rarement les camps, à l'exception des plus radicaux ou des plus militants, pour qui tout ce que fait le Polisario est bon, car, aveuglés par leur propre aveuglement, ils ne peuvent concevoir le contraire. Et ils les visitent toujours « guidés » par un Front Polisario qui montre ce qui l'intéresse et cache ce qui l'engage. De même, les organisations humanitaires et les administrations publiques qui envoient de l'aide n'exigent pas d'audits sur place. Le cas de l'Espagne est particulièrement flagrant, où le Polisario usurpe le rôle de victime des personnes dont il a la charge, afin de collecter des fonds et des biens matériels auprès des contribuables espagnols. C'est là, sans rendre de comptes sur leur destination finale, que commence le profit personnel. Pendant ce temps, la rhétorique de l'autodétermination sert d'alibi pour perpétuer une industrie humanitaire qui maintient des dizaines de milliers de personnes dans une misère contrôlée.

Conclusion : briser le mirage

Les réfugiés sahraouis n'ont pas besoin de nouveaux slogans révolutionnaires. Ils ont besoin de la clé qui leur ouvrira la porte d'un foyer où le mot « avenir » ne sera pas synonyme de rationnement, d'endoctrinement et de peur. Ce foyer existe de l'autre côté de la frontière : un Sahara marocain qui, malgré toutes ses imperfections, offre une stabilité, des investissements tangibles et un cadre juridique reconnaissable. 

Rester silencieux face à l'instrumentalisation d'êtres humains est une forme de complicité. C'est pourquoi cet article élève la voix pour rappeler que le retour n'est pas un privilège négociable : c'est un droit bafoué qui doit être rétabli de toute urgence. Tant que la communauté internationale continuera à alimenter le mirage de Tindouf, elle prolongera la tragédie. Et chaque jour qui passe sans solutions concrètes sera un jour de plus où des innocents seront condamnés à une vie en suspens sous le soleil brûlant du désert algérien. 

L'histoire jugera ceux qui, pouvant agir, ont choisi de détourner le regard. Aujourd'hui, nous avons encore le temps de nous placer du bon côté : celui de la liberté, de la dignité, du retour chez soi et de la réunification des familles sahraouies fracturées par le passé. Car la justice différée, ici comme ailleurs, équivaut à une justice refusée.