En quoi consiste la demande de mandats d'arrêt à la CPI contre des dirigeants d'Israël et du Hamas ?

Le procureur Karim Khan a demandé des mandats d'arrêt à l'encontre d'Israéliens et de trois dirigeants du Hamas soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité dans la bande de Gaza 
Jueces durante la reunión de la Corte Internacional de Justicia de la ONU. AP Photo/Peter Dejong
Des juges lors de la réunion de la Cour internationale de justice des Nations unies - AP Photo/Peter Dejong
  1. Que se passe-t-il maintenant ? 
  2. Seront-ils arrêtés ? 
  3. Y a-t-il un précédent ? 
  4. Quelles sont les autres possibilités ? 

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a franchi une étape importante en demandant des mandats d'arrêt à l'encontre de hauts responsables d'Israël et du Hamas, mais cela signifie-t-il qu'ils seront jugés à La Haye ? 

Que se passe-t-il maintenant ? 

Lundi, le procureur Karim Khan a demandé des mandats d'arrêt à l'encontre des dirigeants israéliens et de trois dirigeants du Hamas, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité dans la bande de Gaza

Khan a inculpé le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et le ministre israélien de la défense, Yoav Gallant, pour des infractions telles que "affamer délibérément des civils jusqu'à la mort", "homicide volontaire" et "extermination et/ou meurtre". 

Les chefs d'accusation retenus contre les dirigeants du Hamas (Yaha Sinwar, chef du Hamas à Gaza, Ismael Haniyeh, chef politique du groupe, et Mohamed Deif, stratège militaire du Hamas) comprennent l'"extermination", le "viol et autres violences sexuelles" et la "prise d'otages en tant que crime de guerre" en Israël et dans la bande de Gaza. 

Une équipe de trois juges doit maintenant décider si les preuves présentées sont valables pour délivrer les mandats d'arrêt. 

Aucune date limite n'a été fixée pour que cette équipe prenne une décision, mais en général, la procédure prend au moins un mois, bien qu'elle puisse durer plus longtemps car il s'agit d'une affaire très sensible. 

Iva Vukusic, professeure adjointe d'histoire internationale à l'université d'Utrecht, aux Pays-Bas, a déclaré que les accusations étaient fondées sur des "motifs raisonnables", ce qui, selon elle, est "plutôt faible". 

"J'espère sincèrement que le procureur surmontera cet obstacle. Ce ne sont pas des imbéciles", a-t-elle déclaré à l'agence de presse AFP. 

"Je suis sûre qu'ils ont préparé leur dossier à l'épreuve des balles, car sinon ce serait un embarras pour l'accusation", a-t-elle ajouté. 

Seront-ils arrêtés ? 

La Cour ne dispose pas d'une police propre pour veiller à l'exécution de ses mandats d'arrêt et compte sur les États membres de la CPI pour s'y conformer. 

Les 124 États membres de la CPI sont techniquement tenus de se conformer aux mandats d'arrêt si les personnes concernées se rendent sur leur territoire. 

Cela pourrait compliquer le voyage de Netanyau et Gallant, bien que le principal allié d'Israël, les États-Unis, ne soit pas membre de la CPI et ne soit pas obligé de les arrêter. 

On ne sait pas où se trouvent Sinwar et Deif, mais il est peu probable qu'ils se rendent à l'étranger. Haniyeh est en exil et vit entre la Turquie et le Qatar, deux pays qui ne sont pas non plus membres de la CPI. 

Toutefois, les États ne se conforment pas toujours aux mandats d'arrêt délivrés par la CPI. 

L'ancien dirigeant soudanais Omar al-Bashir a réussi à se rendre dans plusieurs pays membres de la CPI, dont l'Afrique du Sud et la Jordanie, malgré l'existence d'un mandat d'arrêt à son encontre. 

Le président russe Vladimir Poutine fait également l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI et s'est pourtant rendu à l'étranger, par exemple au Kirghizstan, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, bien qu'il s'agisse de pays non membres de la CPI. 

Cependant, Poutine a évité une réunion des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) en Afrique du Sud, qui aurait pu mettre en œuvre l'ordre. 

Selon Vukusic, si Netanyahou ou Gallant se rendaient dans l'un des pays de l'UE, la situation serait délicate "parce qu'ils sont obligés de les arrêter". 

Y a-t-il un précédent ? 

Plusieurs dirigeants politiques et militaires ont été jugés pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. 

L'ancien chef de guerre libérien devenu président, Charles Taylor, a été reconnu coupable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité par la CPI en 2012. 

L'ancien président serbe Slobodan Milosevic est mort dans sa cellule à La Haye en 2006 alors qu'il était jugé pour génocide par le tribunal créé pour l'ex-Yougoslavie. 

L'ancien chef des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, a été capturé en 2008 et condamné pour génocide par le même tribunal. Son commandant militaire, Ratko Mladic, a été arrêté en 2011 et condamné à la prison à vie. 

"Le processus judiciaire est long et des choses qui ne sont pas possibles aujourd'hui pourraient l'être à l'avenir", a souligné Vukusic. 

Quelles sont les autres possibilités ? 

La CPI ne peut pas juger les suspects par contumace, mais elle peut faire avancer l'affaire. 

Cela a été le cas pour l'Ougandais Joseph Kony, fondateur de la brutale rébellion ougandaise de l'Armée de résistance du Seigneur (ARS), qui a échappé à la justice pendant près de 20 ans. 

En mars, la CPI, créée en 2002 pour juger les pires atrocités commises dans le monde, a annoncé qu'elle tiendrait une audience clé en octobre en l'absence de l'accusé, s'il ne s'était pas présenté plus tôt, pour la première fois dans l'histoire de la Cour.