Washington pousse à la normalisation israélo-saoudienne pour isoler l'Iran

Un accord entre Riyad et Jérusalem pourrait être considéré comme une alliance contre l'expansion iranienne au Moyen-Orient 
AFP/ Bandar AL-JALOUD / Palacio Real Saudí - El Príncipe heredero de Arabia Saudita, Mohammed bin Salman (derecha), chocando los puños con el presidente de los Estados Unidos, Joe Biden, en el Palacio Al-Salam en el puerto de Jeddah en el Mar Rojo. el 15 de julio de 2022
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman avec le président américain Joe Biden - AFP/ Bandar AL-JALOUD / Palais royal saoudien
  1. Isoler l'Iran et freiner la Chine 
  2. L'Arabie saoudite entend réaffirmer son leadership dans le monde arabe et musulman
  3. Malgré les critiques de l'Iran, les pourparlers de normalisation se poursuivent 

Un accord de paix entre l'Arabie saoudite et Israël marquerait une étape internationale et un tournant au Moyen-Orient. La normalisation des relations entre les deux pays ouvrirait un nouvel horizon dans la région, fondé sur la paix, la sécurité et la stabilité. 

Ce sont les principales raisons pour lesquelles les États-Unis tentent depuis un certain temps d'obtenir un accord entre le Royaume d'Arabie saoudite et l'État juif, bien que Washington poursuive également d'autres objectifs dans le cadre de cette normalisation.  

Un accord de paix entre Riyad et Jérusalem - en échange d'un pacte de défense entre l'Arabie saoudite et les États-Unis - apporterait non seulement la stabilité à la région, mais isolerait également le régime iranien.  

Malgré la réconciliation à froid de la Chine entre l'Arabie saoudite et la République islamique d'Iran après des années de tensions, les deux puissances régionales restent des rivales religieuses mais aussi politiques.  

D'autre part, compte tenu de la forte inimitié entre l'Iran et Israël, une normalisation israélo-saoudienne pourrait également être considérée comme une alliance contre l'expansion iranienne dans la région par l'intermédiaire de ses mandataires dans ce que l'on appelle le "Croissant chiite". 

À cela s'ajoute le partenariat solide entre plusieurs pays arabes et Israël dans le cadre des accords d'Abraham, une alliance qui a également été présentée comme un front commun contre Téhéran. 

Ali Jamenei - AFP/HO/KHAMENEI.IR
L'ayatollah Ali Khamenei - AFP/HO/KHAMENEI.IR

Par ailleurs, il convient de noter que l'éventuelle normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël serait signée en échange d'un accord bilatéral de défense entre Washington et Riyad visant à renforcer les capacités de dissuasion du Royaume.     

A cet égard, un porte-parole du Département d'Etat a souligné à RFE/RL la volonté et l'engagement de Washington auprès de ses alliés et partenaires pour "renforcer leur capacité à dissuader et à contrer les menaces de l'Iran". Le porte-parole a également parlé de "l'imposition de coûts à l'Iran pour ses actions" et de l'évolution du "calcul de la prise de décision de l'Iran au fil du temps".  

Toutefois, cet accord bilatéral entre Saoudiens et Américains ne pourra se faire qu'à travers une normalisation en Israël. Riyad, pour sa part, exige un cessez-le-feu à Gaza et une base crédible pour la création d'un Etat palestinien afin de signer tout accord avec Israël

El humo se eleva tras el bombardeo israelí en Rafah, en el sur de la Franja de Gaza, el 27 de marzo de 2024 - SAID KHATIB / AFP
De la fumée s'élève après un bombardement israélien à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 27 mars 2024 - SAID KHATIB / AFP

C'est pourquoi l'administration Biden préconise un pacte tripartite pour assurer une paix permanente et durable au Moyen-Orient, isolant ainsi davantage l'Iran.  

Cet isolement régional et international auquel Téhéran est exposé est dû, selon le porte-parole du Département d'Etat, à "ses propres politiques", a-t-il déclaré à RFE/RL. 

L'Iran est susceptible d'agir en cas de normalisation entre Israël et l'Arabie Saoudite, car une telle paix serait perçue comme un renforcement de l'alliance israélo-arabe contre Téhéran

"Toute coalition poussera l'Iran à opter pour des contre-coalitions", a déclaré Hamidreza Azizi, chercheur à l'Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité, au média.  

Isoler l'Iran et freiner la Chine 

Outre l'isolement de l'Iran, les États-Unis cherchent également à renforcer leur position au Moyen-Orient face à l'influence croissante de la Chine, un acteur qui fait une entrée remarquée dans la région.  

Le pacte de défense que Washington signerait avec Riyad en échange d'une normalisation avec l'Etat hébreu envisage également de limiter l'utilisation de la technologie chinoise dans le Royaume en échange d'importants investissements américains et d'une aide à la construction d'un programme nucléaire civil.  

El secretario de Estado de Estados Unidos, Antony Blinken (izq.), se reúne con el presidente de China, Xi Jinping, en el Gran Salón del Pueblo de Pekín el 26 de abril de 2024 – PHOTO/Mark Schiefelbein/POOL/AFP
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken rencontre le président chinois Xi Jinping au Grand Hall du Peuple à Pékin, le 26 avril 2024 - PHOTO/Mark Schiefelbein/POOL/AFP

L'Arabie saoudite entend réaffirmer son leadership dans le monde arabe et musulman

Pour les États-Unis, l'isolement de l'Iran et le renforcement de leur position au Moyen-Orient constituent la pierre angulaire de l'accord de sécurité avec l'Arabie saoudite et de la normalisation du Royaume avec Israël. Mais quelles sont les principales motivations de Riyad ? 

Si la lutte contre l'influence iranienne est l'un des objectifs des Saoudiens avec un accord de paix avec Israël, le Royaume entend réaffirmer son leadership dans le monde arabe et musulman en créant un État palestinien et en apportant une solution permanente au conflit israélo-arabe. 

PHOTO/ARCHIVO/AFP - Combinación de imágenes del príncipe heredero saudí, Mohamed bin Salman y del líder supremo ayatolá Alí Jamenei
Combinaison d'images du prince héritier saoudien Mohammed bin Salman et du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei - PHOTO/FILE/AFP

En outre, si Riyad suit la stratégie des Émirats arabes unis, il pourrait trouver un équilibre entre Israël et l'Iran. "Riyad semble convaincu qu'une normalisation avec Israël n'aurait pas d'impact majeur sur ses relations avec Téhéran", explique à RFE/RL Anna Jacobs, analyste du Golfe à l'International Crisis Group.  

Sur la base de cette approche, l'Arabie saoudite espère poursuivre sa coopération avec l'Iran sur les questions régionales et bilatérales et empêcher Téhéran de reprendre ses attaques contre les intérêts saoudiens par l'intermédiaire de ses milices en Irak ou au Yémen.  

PHOTO/FLICKR/UNWTO - Mohammed Bin Salman en el taller de la CEDA sobre el sector turístico, 2019
Le prince héritier saoudien Mohammed Bin Salman - PHOTO/FLICKR/UNWTO 

Malgré les critiques de l'Iran, les pourparlers de normalisation se poursuivent 

L'Iran s'est toujours opposé à toute forme d'accord entre les pays arabes et Israël et a été l'un des principaux détracteurs des accords d'Abraham. De même, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a récemment critiqué indirectement l'Arabie saoudite pour avoir cherché à normaliser ses liens avec l'Iran.  

À cet égard, il a même été souligné que l'une des raisons pour lesquelles le Hamas a lancé l'attaque contre Israël le 7 octobre était précisément de contrecarrer cet accord.  

REUTERS/Ilan Rosenberg - Vista aérea muestra los cuerpos de las víctimas de un ataque tras una infiltración masiva de pistoleros de Hamás desde la Franja de Gaza, yacen en el suelo en el Kibbutz Kfar Aza, en el sur de Israel, el 10 de octubre de 2023
Vue aérienne des corps des victimes d'un attentat du Hamas dans le sud d'Israël le 10 octobre 2023 - REUTERS/Ilan Rosenberg 

Dans les mois qui ont précédé l'attaque et la guerre qui a suivi entre le groupe terroriste et Israël, les États-Unis ont envoyé un grand nombre de leurs hauts fonctionnaires au Moyen-Orient pour faire pression en faveur de la normalisation. 

Toutefois, le 7 octobre a mis un terme momentané à ces négociations, bien que, malgré la guerre, les pourparlers se soient poursuivis, comme l'ont confirmé des responsables américains, saoudiens et israéliens.  

L'ambassadeur saoudien au Royaume-Uni a confirmé à la BBC en janvier que Riyad était toujours intéressé par la normalisation des liens avec Jérusalem, à la suite de commentaires similaires du secrétaire d'État Antony Blinken et du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.