« Nous avons la responsabilité de reprendre le flambeau de nos ancêtres »

Il était une fois, dans le Madrid des années 60, un migrant algérien venu de France à la recherche d'un nouveau départ. Cet homme, Ahmed Sahri, s'était fixé pour objectif d'ouvrir un restaurant maghrébin dans la capitale espagnole. Les travaux ont commencé en 1963 et ont duré trois ans, grâce au travail acharné et minutieux d'artisans marocains qui ont fait de leur mieux pour décorer les murs du restaurant.
Le restaurant a ouvert ses portes en 1966, et peu de temps après, Mustafa Lailai, alors en dernière année de master en philologie anglaise, est arrivé. Par un coup du destin, et grâce à sa culture et à son environnement, il vit depuis plus de 20 ans dans la capitale et est actuellement maître d'hôtel du restaurant marocain Al-Mounia. Pour lui, son travail est une expérience très enrichissante tant sur le plan personnel que professionnel, comme il le reconnaît à Atalayar.

Mais être maître d'hôtel est un travail très difficile : « C'est une responsabilité qui pèse lourdement. C'est très exigeant. Il faut toujours être à l'avant, car on est le visage du restaurant, son image », explique M. Lailai. Le restaurant accueille des personnalités politiques de pays arabes tels que la Turquie, le Maroc ou l'Arabie saoudite, pour qui Al-Mounia est un lieu de rencontre et de discussion au calme.
Des personnalités telles que la présidente de Madrid, Isabel Díaz Ayuso, ou le footballeur Karim Benzema viennent également profiter d'un endroit calme qui respecte leur vie privée. « Nous leur laissons leur marge de manœuvre, leur espace, pour qu'ils puissent passer un bon moment avec nous », explique Lailai.

Il comprend que les personnes célèbres ont aussi le droit de passer du temps avec leur famille ou leurs amis sans être sous le regard de leurs fans ou des médias. Et il sait aussi que, parce qu'elles sont très connues, elles sont obligées de payer le « prix » pour essayer de satisfaire tout le monde chaque fois qu'elles apparaissent en public.
Quant au reste de la clientèle, Lailai assure qu'elle est très variée : « Certains, comme les Arabes, ont besoin d'aller au restaurant pour manger de la viande halal (...). Mais cela ne représente même pas 30 % de notre clientèle, car au final, nous traitons bien les clients habituels, les autochtones, les locaux, qui sont les Espagnols (...). Mais nous travaillons pratiquement avec tout le monde ».

Selon le maître d'hôtel, l'une des raisons qui poussent la clientèle à se rendre à l'Al-Mounia est la nostalgie. Que ce soit parce qu'ils ont grandi au Maroc ou parce qu'ils ont séjourné quelque temps dans ce pays, ils cherchent à revivre ces souvenirs qui « sont restés gravés dans leur mémoire ».
Ils ne viennent pas seulement pour se souvenir, mais aussi pour se sentir chez eux. Surtout lors d'occasions spéciales comme le ramadan ou l'Aïd al-Adha, des moments où il est important de passer du temps en famille.

« Beaucoup de gens ont cette sensation lorsqu'ils franchissent la porte, ils ont l'impression d'être téléportés au Maroc. C'est comme si c'était un espace à Madrid, mais avec la sensation, l'expérience d'avoir été téléporté à Marrakech, par exemple, ou au Maroc ou dans une ville orientale », explique Lailai.
Cette ambiance qui attire la clientèle est le fruit de plusieurs facteurs. Ils se sont toujours engagés à préserver l'héritage, la tradition et l'histoire du restaurant : « Le restaurant est marocain, nous avons ici la responsabilité de perpétuer la tradition de nos ancêtres ».

La première chose qui frappe, c'est la décoration purement artisanale qui orne les murs du restaurant. Les murs, décorés à la main avec beaucoup de soin à l'aide de matériaux tels que le plâtre ou la mosaïque, sont également peints avec des peintures 100 % naturelles à base de fleurs. De plus, chaque plafond en bois représente la région d'origine de l'artisan qui l'a fabriqué. Par exemple, l'un vient de Fès et l'autre de Ouarzazate.
Le deuxième élément est le spectacle de danse proposé le week-end. Le restaurant a passé un accord avec une école de danse, grâce auquel, selon un horaire tournant, une danseuse différente vient en fonction de son agenda.

Le troisième élément est la qualité de ses produits, qui le distingue des autres. Le maître d'hôtel assure qu'ils utilisent des ingrédients de la meilleure qualité et qu'ils les manipulent de manière optimale. Il indique que l'emplacement du restaurant influence également le maintien d'un niveau élevé.
Et le quatrième point est l'adaptation de la carte à la clientèle dans le cadre de son évolution, sans bien sûr perdre son essence. « Nous devons être à la hauteur pour maintenir la flamme de ce que représente le restaurant, mais aussi nous adapter aux nouvelles tendances, aux clients, et à partir de là, nous avons une carte plus variée », explique le maître d'hôtel.

En raison de ses origines marocaines et sur recommandation personnelle de Mustafa Lailai, il considère que le plat phare de l'Al-Mounia est le tajine Ambrosia, car « il me rappelle mon enfance, les plats que nos mères nous préparaient pour le déjeuner, et c'était un plat qui, disons, était essentiel dans notre foyer ».
Le succès du tajine s'est traduit par le fait que les nouveaux clients comme ceux qui reviennent s'accordent à dire qu'il est délicieux.

Curieusement, l'Algérien a décidé que son restaurant servirait de la cuisine marocaine, car la société de l'époque la connaissait mieux que celle des autres régions du Maghreb ou du Moyen-Orient.
Le restaurant Al-Mounia, qui a commencé comme un club gastronomique privé fréquenté par ceux qui payaient pour être membres, est l'un des endroits les plus classiques de la ville de Madrid. Son histoire, sa construction, sa cuisine et son service attirent des clients de tous horizons, tout en conservant son essence.