L'approche marocaine de la décentralisation et du développement

Bandera de Marruecos - PHOTO/PIXABAY
PHOTO/PIXABAY - Drapeau du Maroc

La décentralisation, c'est-à-dire le transfert des compétences du centre vers les régions (le régionalisme comme on l'appelle au Maroc) dans le cadre du processus de construction d'une démocratie locale directe, ne peut être achevée sans le transfert des compétences et du pouvoir de décision administrative des ministères vers leurs intérêts locaux, c'est-à-dire ce qu'on appelle au Maroc la " décentralisation administrative " ; pour créer une plus grande interaction entre l'autorité élue et l'autorité désignée afin de mettre le développement local sur la bonne voie, c'est-à-dire au service du citoyen.

Dans ce contexte, l'"Initiative Nationale pour le Développement Humain" lancée par le Roi Mohammed VI du Maroc le 18 mai 2005 a activement contribué, dans toutes ses versions successives, à créer une transformation qualitative au niveau du développement humain au Maroc en luttant contre la pauvreté, la fragilité et l'exclusion.

Il suffit de dire que dans sa troisième édition (2019-2023), l'initiative a financé plus de 25 700 projets avec un budget de 10,5 milliards de dirhams (environ 1 milliard de dollars), notamment au niveau de l'appui au capital humain et gouvernemental dans le cadre d'approches renouvelées, ce qui lui a fait réaliser d'importants succès qualitatifs et quantitatifs, malgré les défis de la durabilité des projets et de l'augmentation de leur rentabilité.

Il reste le deuxième véritable projet à contribuer qualitativement à jeter les bases d'une approche territoriale renouvelée (le modèle de développement du Sahara marocain). Il s'agit d'un projet qui a intégré les dimensions développementale, économique, géostratégique et politique entre autres, et dont la bonne mise en œuvre fera des régions sahraouies un espace vital pour "les liens et les échanges entre l'Europe et l'Afrique subsaharienne", a déclaré le monarque marocain.

Le budget alloué au programme a atteint environ 81 milliards de dirhams (8 milliards de dollars), et le taux de lancement des projets a dépassé 70 % à l'horizon 2021 (malgré la gravité de la pandémie), tandis que le transfert des dotations financières a dépassé 50 %. Ainsi, l'activation du modèle de développement des régions du sud du Maroc prend de l'ampleur et contribue à changer l'équation socio-économique au Sahara marocain, malgré les défis persistants de son impact sur la création d'opportunités d'emploi, en particulier l'emploi des jeunes et des femmes.

Le troisième véritable projet, spécifiquement dédié à la régionalisation (régions) et à l'approche territoriale du développement, est le programme de réduction des disparités spatiales et sociales dans les zones rurales.

Six ans après le lancement de ce programme, les résultats sont évidents puisque sept plans régionaux de développement des zones rurales ont été élaborés avec un budget de plus de 48 milliards de dirhams (4,8 milliards de dollars), ciblant 1 066 communautés rurales, 144 centres de villages et 59 communautés urbaines. Les défis à relever cette année sont la rapidité de réalisation, la priorisation des zones les plus pauvres, ainsi que l'adoption d'une approche participative plus efficace et efficiente.

Ces projets réels structurés ensemble ont constitué un édifice solide pour l'approche territoriale des problèmes de développement économique et humain.

La régionalisation est un atelier qui demande beaucoup de temps et d'encouragement. Le gouvernement marocain semble déterminé à soutenir la "décentralisation administrative" pour accompagner ce chantier. La dernière action en date est la publication du décret relatif aux conditions et modalités de délégation de pouvoir et d'autorisation de signature du centre aux intérêts extérieurs, aux gouverneurs et aux travailleurs (gouverneurs).

Il s'agit d'une véritable transformation et d'un atelier parfaitement structuré. D'autres procédures sont en cours, à savoir la recherche d'un statut juridique pour les intérêts décentralisés au niveau régional (régional) et régional, c'est-à-dire que ces intérêts ont des compétences propres et originales et pas seulement celles déléguées par le centre.

Cela implique-t-il de modifier la loi de régulation financière, qui devrait inclure des dispositions permettant d'accorder des crédits financiers directement à ces intérêts, et de modifier les décrets réglementant les secteurs ministériels afin de créer des intérêts décentralisés dotés d'un statut juridique indépendant ?

Le gouvernement doit trouver des réponses à ces questions et relever le défi de l'harmonie et de la coordination entre ces intérêts et les groupes territoriaux (déserts).

D'autre part, les autorités (régions) ont élaboré des plans de développement qui peuvent s'élever à des dizaines de milliards de dirhams. Cependant, le budget de l'État ne peut pas se le permettre. Les parties n'ont pas encore développé leurs propres capacités à financer leurs ambitions comme prévu. Il faut donc repenser le modèle économique des régions, sinon les plans régionaux resteront lettre morte. Ce nouveau modèle doit être basé sur le financement des compétences qui seront transférées du centre vers l'entité, sur des ressources propres qui peuvent provenir des impôts locaux ou de la propriété privée dans l'entité, sur des prêts et sur des subventions dans le cadre de partenariats nationaux ou internationaux.

En outre, le manque de ressources des communautés locales (municipales et villageoises), en particulier des communautés rurales, a conduit la plupart d'entre elles à considérer les autorités (régions) comme des donateurs.

Les communautés rurales souffrent de graves pénuries et les autorités ne sont pas en mesure de répondre aux besoins des communautés, notamment en matière d'infrastructures. Il fallait donc réfléchir à un nouveau modèle de collectivités territoriales, basé d'abord sur l'intégration entre les villages et les villes, c'est-à-dire entre les pashuyats (autorités désignées en charge des villes) et les districts (autorités désignées en charge des communautés villageoises), ensuite sur une utilisation plus efficace et commune des moyens, et enfin sur la gestion du développement à un niveau territorial plus large. De cette manière, le Maroc peut disposer de communautés foncières viables, dotées de ressources suffisantes pour planifier et mettre en œuvre des projets de développement, tout en maintenant les services administratifs de proximité tels qu'ils existent aujourd'hui.

Au niveau de la justice communautaire, tout le monde s'accorde à dire qu'il est temps de concentrer l'attention sur les personnes qui souffrent d'un niveau élevé de pauvreté et de marginalisation afin d'obtenir plus d'opportunités de la part des investissements publics. Il existe un thème que j'appelle le "choc positif" des projets, c'est-à-dire l'accumulation de projets, leur interaction et leur harmonie pour créer un saut qualitatif ; c'est ce qui se passe à Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Rabat-Salla-Kenitra, Casablanca-Settat. Il en va de même pour les autres parties.

Le "choc positif" ne peut être réalisé que par la mise en œuvre harmonieuse et immédiate d'une série de projets structurés ayant un impact positif sur le dynamisme économique, la création de richesses, l'emploi et l'amélioration de la vie des citoyens.

Article précédemment publié dans Asharq Al-Awsat