L'Afrique, porte entrouverte vers une nouvelle prospérité

Abdou Diop, socio director de la consultora Forvis Mazars, y Pau Solanilla Franco, socio de Harmon y consultor en asuntos globales - PHOTO/ATALAYAR
Abdou Diop, associé directeur du cabinet de conseil Forvis Mazars, et Pau Solanilla Franco, associé chez Harmon et consultant en affaires internationales - PHOTO/ATALAYAR
Si quelqu'un a encore l'image stéréotypée d'une Afrique condamnée à jamais au sous-développement et au retard, et d'un gisement inépuisable de matières premières pouvant être extraites presque gratuitement, il ferait mieux de changer d'avis

Il est vrai qu'une telle vision, héritée d'une longue relation coloniale, n'est pas facile à éradiquer, et encore moins à remplacer par un traitement d'égal à égal, dans le respect de la personnalité et des intérêts de l'autre.

C'est déjà la deuxième fois que Madrid accueille un forum Espagne-Afrique, destiné essentiellement à changer cette vision figée des Européens sur les Africains. Il a été organisé à l'initiative d'une institution privée, One Africa Forums, créée et mise en place il y a déjà vingt ans par un homme d'affaires marocain, Hassan M. Alaoui, qui en a fait une plateforme multiple de dialogue et d'échange entre les dirigeants politiques, économiques et sociaux du continent africain et leurs homologues espagnols, en particulier des entrepreneurs et des financiers.

Pendant trois jours, plus d'une centaine de ces dirigeants ont débattu, en public et en privé, des nombreuses possibilités de coopération qu'offre l'Afrique aux entreprises et institutions espagnoles. La réceptivité a été plus grande sur cette rive nord de la Méditerranée que lors du premier forum, qui s'est tenu il y a à peine trois ans. C'est un signe positif de la part du gouvernement espagnol, qui montre ainsi qu'il conserve encore une certaine lucidité pour soutenir pleinement ces journées. Il réaffirme ainsi sa volonté de multiplier sa présence et ses contacts avec le continent, comme l'exprime la stratégie Espagne-Afrique 2025-2028. Cette stratégie passe évidemment par un approfondissement des relations de toutes sortes avec le Maroc, en dissipant au passage les clichés négatifs qui persistent dans une partie au moins de la population espagnole à l'égard de son voisin du sud.

Comme ne cesse de le répéter l'ambassadrice du Maroc en Espagne, Karima Benyaich, l'implantation d'entreprises respectives dans l'autre pays ne cesse de croître grâce à la cascade de projets qui non seulement concernent et se développent au Maroc, mais impliquent également de plus en plus de pays de la façade atlantique, du royaume alaouite au Nigeria.

À un moment où, pour diverses raisons, la France voit sa politique postcoloniale en Afrique incontestablement remise en question, ce qui a conduit à l'expulsion de ses bases militaires permanentes et même à la rupture totale ou partielle des relations diplomatiques, l'Espagne tente de prendre le relais, en dégageant son action de toute velléité néocoloniale, dans le but de renforcer les relations personnelles, si décisives pour faire des affaires en Afrique, et, par conséquent, le niveau de confiance entre les entreprises.
Une action coordonnée et une perspective réaliste, qui n'exclut pas l'ensemble de l'Union européenne, dans le but d'atteindre et de partager la prospérité à laquelle devraient aboutir les actions de coopération entrepreneuriale entre les deux continents.

Comme l'a souligné l'un des brillants intervenants du forum, Abdou Diop, du cabinet de conseil Forvis Mazars, l'Afrique n'a besoin que d'un élan positif pour récolter les fruits d'atouts que tous ne parviennent pas à voir : une population de plus de 2 milliards d'habitants à la moitié de ce siècle, avec l'atout d'être majoritairement composée de jeunes de moins de 25 ans ; une croissance économique moyenne de 5 % ; des ressources minières représentant 30 % du total mondial ; la plus grande réserve de terres fertiles susceptibles d'être transformées en industries agricoles et agroalimentaires pour faire du continent le nouveau grenier du monde ; des centaines de grandes infrastructures, capables de structurer le continent et de le relier aux deux océans qui le baignent et, enfin, un potentiel indéniable dans les domaines de l'énergie, de l'exploitation de l'eau, de l'industrie du sport et du tourisme, composent un paysage aux multiples opportunités.

L'Afrique peut donc également devenir un partenaire essentiel pour relever les grands défis mondiaux, qu'il s'agisse du changement climatique ou de la préservation et de l'expansion des routes commerciales. Bien sûr, il ne faut pas oublier les difficultés liées au terrorisme et même aux luttes tribales qui persistent dans de nombreuses régions du continent. Mais rien qui ne puisse être surmonté si l'on crée des opportunités pour une population jeune et explosive, susceptible de générer d'énormes quantités de talents qui, dans un monde globalisé comme le nôtre, peuvent combler l'important déficit de capital humain d'une Europe vieillissante.