Ne sous-estimez pas un Poutine plus dangereux que jamais

El presidente ruso Vladimir Putin  - AFP/MIKHAIL KLIMENTYEV
Le président russe Vladimir Poutine - AFP/MIKHAIL KLIMENTYEV

Vladimir Poutine a renforcé son pouvoir qui, s'il était déjà grand, s'est maintenant consolidé non seulement dans l'immense Fédération de Russie mais aussi dans le reste du monde, car, qu'il le veuille ou non, il sera désormais une personnalité déterminante pour l'avenir du monde.  

Sa victoire écrasante à la Poutine, c'est-à-dire par l'élimination civile et/ou physique de tout adversaire susceptible de lui faire de l'ombre, n'enlève rien à la réalité incontestable qu'il est le leader incontesté de ce qui reste la deuxième puissance nucléaire du monde. En éliminant toute velléité de contestation - préparez-vous à une répression brutale de la part des opposants dans le pays ou à l'étranger - ses décisions seront définitives et obéies sans objection. Certes, sa victoire électorale écrasante ne répond en rien aux paramètres d'une démocratie digne de ce nom, mais tant en Russie que dans l'espace de ses principaux alliés, la Chine, la Corée du nord et l'Iran, une telle réaffirmation du pouvoir absolu sera considérée avec admiration et comme un exemple à suivre.  

Bien sûr, Poutine pense que la grande majorité de ses sujets (le mot est placé à dessein) lui ont donné carte blanche pour mener la guerre en Ukraine comme il l'entend. Et le locataire, ou plutôt le propriétaire du Kremlin, n'envisage certainement pas la défaite. Il devra probablement procéder à un nouveau recrutement et à une mobilisation massive, ainsi qu'au maintien d'un énorme effort économique pour poursuivre la guerre. Des décisions qui, dans une vraie démocratie, mettraient fin à la carrière politique de celui qui les a proposées, mais qui, dans une dictature de fer, n'ont d'autre problème que d'accentuer la répression sans s'arrêter aux bistrots et à ceux qui tombent, parmi ceux qui osent protester, bien sûr.  

Poutine, qui préfère Pierre Ier le Grand comme modèle plutôt que Staline, est prêt à consolider ses positions en Ukraine, dont il a également forcé les habitants à voter, à avancer jusqu'à ce que Kiev se rende, et peut-être alors à s'asseoir à une table de négociation où ses exigences feront trembler des pays qui sont aujourd'hui sous le parapluie de l'OTAN et de l'Union européenne, mais que Poutine prétend être des satellites qui ont été forcés de quitter l'orbite de Moscou.  

Le président russe renforcera encore le "partenariat sans limites" qu'il a signé avec son homologue chinois Xi Jinping avant l'invasion de l'Ukraine. Cet alignement a finalement mis l'Europe et l'OTAN en alerte. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a reconnu dans le dernier rapport que "Pékin ne partage pas nos valeurs et, au contraire, défie nos intérêts". Les différentes déclarations de ces derniers jours, de la suggestion du Français Emmanuel Macron d'envoyer des soldats en Ukraine, à celle de la ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, avertissant que les Espagnols devraient s'inquiéter sérieusement d'être à portée des missiles russes, ne sont pas une coïncidence.  

Alors que les sanctions internationales pèsent sur l'économie russe, en particulier dans les régions les plus éloignées de Moscou, il est clair que Poutine a manœuvré pour détourner ses principales sources de revenus vers l'Asie, en particulier la Chine et l'Inde, et pour établir des accords avec ce que l'on appelle le Sud global, ce conglomérat hétérogène de pays qui considèrent avec sympathie le désir sino-russe d'un ordre mondial alternatif à celui conçu après la Seconde Guerre mondiale. Ces pays contestent la prédominance des États-Unis et espèrent que le fait que l'Occident considère nombre d'entre eux comme des États autoritaires et répressifs ne les empêchera pas de voir leur place dans le concert international reconnue avec tous les honneurs et la considération qu'elle mérite. 

En octobre prochain, Poutine recevra à Kazan les dirigeants des BRICS, une alliance qui, outre le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du sud, comprend également l'Iran, les Émirats arabes unis, l'Éthiopie et l'Égypte. Ces pays sont d'autant plus importants qu'ils sont directement ou indirectement impliqués dans l'actuelle guerre de Gaza, un conflit que tous les acteurs ne souhaitent pas voir déborder, mais dont la réalité affecte crûment les intérêts du monde entier, comme en témoigne le détournement d'une grande partie du trafic maritime qui passe habituellement par la mer Rouge.  

Poutine ne cesse de répéter qu'"aucun ordre international durable n'est possible sans une Russie forte et souveraine". Lui-même, rancunier du traitement que lui ont réservé les géants du G-7 alors qu'il venait de succéder à Boris Eltsine, est prêt à être un acteur majeur de tout ce qui se passe sur la planète. Il convient de prendre ses menaces au sérieux et de se préparer à un choc qui semble de plus en plus inévitable entre l'ordre que l'Occident continue de prôner et le sien.