Les relations économiques entre Rabat et Pékin continuent de se développer autour du commerce et de la production de batteries électriques à travers la délocalisation d’un projet d’usine initialement prévu en République tchèque

Le conglomérat chinois Tinci Group délocalise son projet de production d'électrolytes de la République tchèque au Maroc

Le conglomérat chinois Tinci Group, important fournisseur d'électrolytes et de composants chimiques pour batteries au lithium, a récemment annoncé dans un communiqué l’abandon de son projet de production d’électrolytes en République tchèque afin de le transférer au Maroc. Ce projet d’usine avait pour objectif d’atteindre 100 000 tonnes d’électrolytes par an pour satisfaire le besoin croissant en batteries électriques.

Officiellement, la décision de mettre fin à ce projet a été prise en raison de « circonstances défavorables ». Plusieurs facteurs ont été mis en lumière par le groupe chinois dont « le ralentissement économique dans divers pays du monde, le flux restreint de personnel et de matériel, et l’influence de facteurs tels que l’environnement d’investissement et les changements de politique en République tchèque ».  

Une autre conséquence de la délocalisation de ce projet a été la dissolution de la filière locale du groupe chinois, Tinci Materials Technology Czech SRO, qui avait été créée dans le but de gérer l’usine. « Nous éprouvons des difficultés à faire avancer les travaux préliminaires de ce projet », ont-ils ajouté dans leur communiqué. 

L’alternative marocaine n’est pas un choix anodin. En effet, avec ce projet, le groupe Tinci établit sa seconde usine de batterie au Royaume du Maroc. Deux mois auparavant, Tinci Materials avait annoncé l’ouverture d’une usine de batteries pour véhicules électriques au Maroc. À cette occasion, le groupe avait souligné l’importance que revêt le royaume chérifien en ce qui concerne les réserves de minerai de phosphorite. Tinci a également déclaré que l’établissement d’une usine dans le royaume permettra à l’entreprise de mieux servir et explorer le marché européen. 

REUTERS/JEAN BIZIMANA - Vehículo eléctrico
REUTERS/JEAN BIZIMANA - Véhicule électrique

Contrairement à la République tchèque, l’environnement économique marocain est considéré comme « relativement stable » par l’entreprise chinoise. Le groupe a ainsi annoncé une levée de fonds d’environ 5,98 milliards de yuan, soit 819, 39 millions de dollars, en émettant des certificats de dépôts mondiaux. Ces fonds seront principalement utilisés sur différents projets de matériaux pour batteries au lithium, dont un projet de 300 000 tonnes par an au Maroc.

Selon La Vie Éco, ce nouveau projet sera situé dans le parc industriel de Jorf Lasfar, à Casablanca, et nécessitera un investissement global d’environ 280 millions de dollars. La construction du projet devrait s’étaler sur 24 mois, avec à terme une capacité de production annuelle de 150 000 tonnes d’électrolytes, 100.000 T d’hexafluorophosphate de lithium et 50.000 T de phosphate de fer et de lithium. 

Investir au Maroc dans le cadre du « One Belt, One Road » chinois  

Les relations Chine-Afrique n’ont jamais été aussi forte que ces quinze dernières années. En 2022, les investissements directs chinois en Afrique ont atteint 3,4 milliards de dollars, selon des données publiées par le ministère chinois du Commerce et citées par le média Agence Ecofin.

Alors que la Chine avait longtemps préféré l’Algérie en raison de ses productions pétrolières, les récents développement économiques et industriels du Maroc ont changé la donne géopolitique chinoise au Maghreb. En 2017, le royaume chérifien est devenu le premier pays du Maghreb à rejoindre le projet « One Belt, One Road » chinois. Le développement de son port Tanger Med, aujourd’hui entré dans le top 25 mondial des hubs portuaires et le troisième en termes de connectivité, a été un point important du rapprochement entre Pékin et Rabat. 

PHOTO/REUTERS - El presidente chino Xi Jinping asiste a la Cumbre del Foro de Cooperación China-África -Mesa Redonda en el Gran Salón del Pueblo de Beijing el 4 de septiembre de 2018 en Beijing, China
PHOTO/REUTERS - Le président chinois Xi Jinping assiste à la table ronde du Forum sur la coopération sino-africaine au Grand Hall du Peuple à Pékin, le 4 septembre 2018 à Pékin, en Chine

Point d’entrée des investissements étrangers en Afrique, le Maroc revêt une place de plus en plus importante dans les projets chinois en Afrique. L’École de guerre économique, citée par Le Point Afrique, explique dans un article que l’ouverture de nouvelles routes commerciales est actuellement étudiée : la première serait terrestre entre Alger et Lagos et la seconde, jugée comme la plus probable, suivrait les côtes méditerranées jusqu’au port de Tanger.

 « Cette position géographique du Maroc, entre l’Afrique et l’Europe, sa capacité à fournir une main-d’œuvre qualifiée et peu coûteuse, ses infrastructures et sa logistique ainsi que sa stabilité inégalée dans la région peuvent expliquer l’intérêt de la République populaire de Chine pour le royaume chérifien au détriment de l’Algérie », affirme l’École de guerre économique. 

PHOTO/FILE - Le roi Mohammed VI avec Xi Jinping

Alors que les relations avec ses voisins asiatiques se retrouvent de plus en plus sous pression, la Chine cherche à gagner de l’influence sur d’autres continents, l’Afrique notamment, afin de se positionner comme une puissance mondiale. Dans un sondage réalisé par Afrobarometer dans 34 pays africains en 2021 cité par le média Slate, 63 % des Africains affirment que l’influence chinoise a été « plutôt » ou « très » positive. Néanmoins, une grande partie des populations africaines souhaiteraient que la Chine s’ouvre autant à l’Afrique que l’Afrique ne s’ouvre à elle, notamment en employant plus de main d’œuvre locale.