Les quatre principes de la stratégie continentale du Maroc en Afrique

Selon le rapport de l'Institut marocain de veille stratégique, publié en novembre, qui examine les forces, les faiblesses, les opportunités et les risques liés à la stratégie économique du Maroc en Afrique, la stratégie marocaine repose sur quatre principes qui guident actuellement l'action économique du pays en Afrique.
Maximiser la valeur ajoutée continentale
Le premier principe de maximisation de la valeur ajoutée continentale, également connu sous le nom de "chaînes de valeur régionales améliorées" (CVRA), vise à rationaliser les exportations africaines de matières premières et de produits de base vers les territoires extracontinentaux.
En 2021, plus de 80 % des exportations africaines sont encore des matières premières : produits miniers, hydrocarbures et produits agricoles. Cependant, même si certaines économies restent dépendantes des recettes d'exportation des produits miniers, énergétiques et agricoles, il existe une marge de manœuvre importante pour canaliser une partie de ces matières premières vers des chaînes de valeur régionales afin de les transformer et d'en augmenter la valeur.
Ce principe est mis en évidence par la série d'investissements du Groupe OCP dans la production d'engrais phosphatés, compte tenu des deux projets de construction d'usines d'engrais, l'une au Nigéria, opérationnelle à partir de fin 2022, et l'autre au Togo, qui permettra de transformer directement le phosphate togolais en engrais. Dans les deux cas, la valeur du produit final est supérieure à la valeur ajoutée des produits initiaux.
Au-delà des secteurs agricole et agroalimentaire, la logique d'accroissement des chaînes de valeur régionales s'applique à un large éventail de secteurs d'activité, dont le secteur énergétique, les industries manufacturières (fabrication d'équipements électriques, de produits informatiques, etc.) et les services aux particuliers et aux entreprises (médias, Internet, services numériques, etc.).
À cet égard, l'accord sur la zone de libre-échange ZLECAF renforce cette dynamique de maximisation de la valeur ajoutée continentale. La suppression des barrières tarifaires entre les économies africaines pour une large gamme de biens permet aux entreprises africaines, notamment marocaines, de développer davantage leurs chaînes de valeur régionales tout en restant compétitives.

Adopter une approche écosystémique du développement
L'entrée sur un nouveau marché est toujours une aventure passionnante, mais aussi difficile pour toute entreprise ambitieuse en quête d'une croissance durable. Le Maroc a donc opté pour une approche écosystémique du développement afin de résoudre une grande partie de ces difficultés. Cette approche consiste à réunir, au sein d'un même espace d'affaires, un certain nombre d'opérateurs économiques qui présentent un potentiel de synergies et des opportunités de complémentarité.
Un écosystème repose sur deux catégories d'acteurs : des acteurs appelés "leaders" qui disposent d'un volume d'affaires important, d'une expertise et de connaissances, et de grandes capacités d'investissement, et des acteurs appelés "boosters" qui évoluent autour des premiers en apportant des liens de valeur complémentaires et qui profitent de l'écosystème pour changer d'échelle et se développer.

Il convient de noter que l'approche écosystémique ne se limite pas aux grands groupes et aux opérateurs historiques établis, mais permet d'inclure des entreprises de taille intermédiaire (ETI), des petites et moyennes entreprises (PME), voire des start-ups innovantes, ainsi que des professionnels indépendants. Cette richesse facilite le développement de l'innovation au sein de l'écosystème, qui devient un vecteur de croissance pour tous les acteurs de l'écosystème.
Cette approche écosystémique adoptée par le Maroc permet de développer des dynamiques de cooptation à l'échelle continentale, combinant compétition et coopération pour établir un vaste champ d'apprentissage au profit des entreprises africaines qui leur ouvre des horizons pour croître et améliorer leurs compétences, leurs connaissances et leurs propositions de valeur.

Assurer la durabilité du modèle de développement
Le continent africain abritant une faune et une flore extrêmement riches, le principe de durabilité du modèle de développement africain exige que les décideurs politiques et économiques recentrent leur attention sur la conservation de la biodiversité et la protection des écosystèmes naturels.
Outre sa contribution à la prospérité des populations locales (alimentation, eau, santé, etc.), les experts considèrent la biodiversité africaine comme un atout stratégique pour le développement économique et technologique du continent, car la détérioration de la qualité des écosystèmes naturels de l'Afrique a de graves conséquences sur le bien-être de ses habitants, telles que les risques climatiques, la baisse de la fertilité des sols, la dégradation de la qualité de l'eau et de certaines denrées alimentaires.
Conformément aux objectifs de conservation des ressources naturelles du continent, au Maroc, les pouvoirs publics ont pris une série de mesures depuis le début du siècle en lançant des plans nationaux visant à consolider et à renforcer les efforts de conservation de la biodiversité. En 2016, le Maroc a formalisé une nouvelle stratégie et un plan d'action national pour la biodiversité basés sur six axes ; en vue de renforcer la conservation des espèces, des écosystèmes, d'assurer l'utilisation durable de la biodiversité et des ressources biologiques, de mettre en œuvre efficacement la Stratégie et le Plan d'action national pour la biodiversité 2016-2020 (SPANB) et de consolider la gouvernance de la biodiversité.

Réaliser le concept "un continent égale une infrastructure"
Le codéveloppement représente une doctrine de coopération économique basée sur une série d'actifs stratégiques, dont la pierre angulaire est l'infrastructure, qui doit être intégrée dans un réseau d'infrastructures connexes et complémentaires afin de disposer d'une infrastructure africaine unique et indivisible.
L'adoption de ce principe aura pour effet d'influencer les stratégies de planification nationales et régionales ; en se concentrant sur l'impact mutuel des futures infrastructures en Afrique, en optimisant les grands projets qui garantissent une meilleure connectivité. Il permettra de rassembler les différents atouts stratégiques du continent. Un autre fruit est d'attirer plus d'investissements pour des projets de développement en Afrique. Ici, les fonds d'investissement et les bailleurs de fonds nationaux donnent naturellement la priorité aux projets qui ont un impact direct sur le développement de leur territoire.
Notons que, dans le cadre du financement, le Global Infrastructure Outlook estime que l'Afrique a besoin d'environ 6 000 milliards de dollars pour combler son déficit d'infrastructures.