La Colombie doit faire de l'accord de paix une politique d'État

Le démantèlement des structures criminelles et la lutte contre la corruption sont des piliers fondamentaux pour la consolidation de la paix 
La ONU apoya la reintegración de las familias de los excombatientes en Colombia - UNVMC/Camilo Vargas
L'ONU soutient la réintégration des familles des ex-combattants en Colombie - UNVMC/Camilo Vargas
  1. Attaques contre le système de justice transitionnelle 
  2. Autres recommandations  

L'experte internationale des droits de l'homme de l'ONU* a appelé mardi l'État colombien à mettre en œuvre l'accord de paix de 2016 en tant que politique d'État et à veiller à ce que tous les processus de dialogue avec les groupes armés non étatiques adoptent une approche des droits de l'homme centrée sur les victimes.

Dans son rapport, mandaté par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, Antonia Urrejola**, décrit les principaux obstacles à la mise en œuvre de l'accord de paix de 2016, y compris ceux identifiés par la Juridiction spéciale pour la paix en mars 2023, et formule des recommandations pour contribuer à la consolidation de la paix en Colombie.  

Le rapport fait état de progrès liés à la réforme rurale globale et à la justice transitionnelle. Il souligne également que 80 % des signataires des accords restent déterminés à se réintégrer dans la société, malgré les obstacles et les risques pour leur vie.  

L'accord de paix de 2016 est une feuille de route pour s'attaquer aux causes structurelles du conflit et garantir la non-répétition, indique le rapport, qui souligne que les obligations de l'État en matière de droits de l'homme doivent être mises en œuvre progressivement et indépendamment du contexte politique. 

Attaques contre le système de justice transitionnelle 

Le rapport note que les premières années qui ont suivi la signature de l'accord de paix ont été cruciales pour assurer sa mise en œuvre et consolider la confiance du public dans l'accord, mais qu'elles ont été marquées par un contexte politique hostile à l'accord. Cela a conduit à une mise en œuvre inégale et à des attaques contre le système de justice transitionnelle.

Ainsi, le document souligne les possibles obstructions du bureau du procureur général à la juridiction spéciale pour la paix dans le cas de "Jesús Santrich", ancien membre des FARC-EP et négociateur de l'accord de paix, et souligne que ce cas illustre l'utilisation abusive des poursuites pénales pour saper la confiance du public dans l'accord et dans le système de justice transitionnelle. 

"Elle a renforcé la stigmatisation des signataires de l'accord de paix, accéléré leur division interne et affecté leur réintégration, comme le prévoyait l'accord. En même temps, elle a généré des doutes sur l'aptitude et l'impartialité des membres de la juridiction spéciale pour la paix", indique le texte. 

En ce sens, Urrejola demande instamment au ministère public de donner la priorité à l'enquête sur la plainte déposée par la juridiction en mars 2023 et de déterminer les éventuelles responsabilités pénales dans un délai raisonnable, en créant un groupe d'experts indépendants chargé de soutenir et d'apporter une assistance technique dans le cadre de l'enquête. 

"Le bureau du procureur général devrait rendre compte publiquement des progrès et des résultats de cette enquête dans un délai d'un an", a déclaré l'experte. 

Le rapport recommande de "respecter et sauvegarder l'indépendance et l'autonomie de la Juridiction Spéciale pour la Paix en tant qu'autorité judiciaire chargée de juger les crimes les plus graves et emblématiques commis pendant le conflit armé, et de garantir la protection de son personnel, des victimes et des personnes qui comparaissent devant la Juridiction". 

Autres recommandations  

L'État devrait également revoir et adapter les procédures juridiques afin que le processus d'extradition des citoyens colombiens soit conforme aux obligations internationales de la Colombie en matière de droits de l'homme, y compris le droit des victimes à la vérité, à la justice et à la réparation, ainsi que le droit à la paix. 

L'experte a appelé à la création d'une entité au plus haut niveau du gouvernement pour superviser la mise en œuvre des accords, convoquer toutes les entités et les ministères, assurer la coordination interinstitutionnelle requise et l'articulation entre les politiques publiques de justice transitionnelle, avec des ressources financières adéquates. 

Elle a également exhorté l'État à mettre en œuvre, en priorité, une politique de démantèlement des organisations criminelles, avec une approche territoriale et participative, et en garantissant des ressources adéquates.   

"Le démantèlement des structures criminelles et la lutte contre la corruption sont des piliers fondamentaux pour la consolidation de la paix", indique le rapport.  

Enfin, l'experte exhorte l'État colombien à redoubler d'efforts pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission de la vérité dans les politiques publiques de l'État, en particulier au niveau local et départemental. 

*Les rapporteurs spéciaux et autres experts indépendants en matière de droits de l'homme font partie de ce que l'on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Ils ne font pas partie du personnel des Nations unies, sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils ne font pas partie du personnel des Nations unies, sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail.  

**Antonia Urrejola est l'experte internationale en droits de l'homme chargée d'identifier les obstacles à la mise en œuvre de l'accord de paix de 2016.