L'analyse des eaux usées permet de détecter le COVID-19 et d'autres maladies mortelles en Amérique latine

La pandémie de COVID-19 continue d'évoluer en une grave crise économique et de santé publique qui entraîne d'énormes difficultés financières et sociales pour les populations du monde entier. Une crise à multiples facettes de cette ampleur nécessite un arsenal d'outils et d'approches innovants.
L'une des solutions non conventionnelles que les chercheurs ont explorées depuis le début de la pandémie consiste à suivre la présence du matériel génétique du virus SRAS-CoV-2 dans les eaux usées afin de mieux comprendre sa propagation au sein des communautés. En d'autres termes, en recherchant la présence du virus dans les matières fécales qui sortent de nos réseaux d'égouts, nous pouvons suivre le virus.
Cette ligne de recherche est définie comme l'épidémiologie basée sur les eaux usées, une approche analytique éprouvée qui, depuis des décennies, fournit des informations en temps réel sur la santé de différentes populations, par exemple, la détection de la polio au niveau communautaire ou l'exposition des individus à des produits chimiques ou à des agents pathogènes.
Dans le cas du COVID-19, l'empreinte génétique du virus est excrétée par les matières fécales des personnes infectées et transférée aux eaux usées. La mesure de la concentration de matériel viral dans les échantillons fournit des informations sur l'étendue de la propagation du virus dans une communauté donnée, y compris les cas asymptomatiques.
Étant donné qu'un échantillon peut représenter une partie importante de la communauté desservie par le réseau d'égouts, l'analyse des eaux usées permet un suivi rapide et rentable des tendances de la maladie au niveau de la population.
Dans le cas du COVID-19, la recherche montre que les individus excrètent le virus avant même de présenter des symptômes. Le RAE devient alors un système d'alerte précoce complémentaire et un mécanisme de surveillance pour guider la prise de décision rapide et la gestion de crise.
L'investigation par l'épidémiologie des eaux usées est également une méthode de test inclusive particulièrement pertinente pour surveiller la transmission des maladies parmi les plus vulnérables, car tous les individus vivant dans le bassin versant sont couverts par l'observation des données sur les eaux usées, indépendamment de leur milieu socio-économique, de la présence de symptômes ou de l'accès aux tests cliniques.

Une initiative menée par des experts de la pratique Eau et Santé de la Banque mondiale se concentre sur le partage de l'expertise mondiale en matière d'épidémiologie des eaux usées dans le but de renforcer la capacité des acteurs locaux de l'eau et de la santé à surveiller et gérer la pandémie de COVID-19.
Cette initiative a débuté par un partenariat avec Biobot, une entreprise dérivée du Massachusetts Institute of Technology (MIT). L'initiative a consisté en un programme pilote à Guayaquil, deuxième ville d'Équateur et l'une des premières villes de la région à être durement touchée par la pandémie.
Lors de la réalisation d'une étude épidémiologique sur les eaux usées, divers acteurs doivent être mobilisés, notamment les agences chargées de prélever des échantillons d'eaux usées, les laboratoires de recherche ou les universités pour analyser le matériel génétique, et une agence de coordination capable d'assurer la liaison avec les autorités sanitaires.
Dans le cas de Guayaquil, le programme a été établi avec la collaboration de l'autorité municipale de l'eau de Guayaquil et du concessionnaire privé de l'eau et de l'assainissement, Interagua, ainsi que de Biobot, qui a fourni une assistance technique à l'établissement de recherche local, l'Escuela Superior Politécnica del Litoral.
La municipalité a coordonné ses efforts et a demandé au Comité provincial des opérations d'urgence d'impliquer les autorités sanitaires et d'utiliser les données de surveillance épidémiologique pour orienter la réponse d'urgence à la crise pandémique à Guayaquil.
Le programme pilote a permis de tirer parti des capacités locales en matière d'épidémiologie basée sur les eaux usées, ce qui a incité le service municipal des eaux de Guayaquil à conclure un partenariat d'un an avec l'Escuela Superior Politécnica del Litoral pour effectuer des analyses hebdomadaires des eaux usées en différents endroits de la ville.
Grâce à ce contrat, la ville de 2,7 millions d'habitants sera en mesure d'établir une base durable pour le suivi de COVID-19 au niveau communautaire. Le programme pilote a généré un nouvel écosystème de collaboration entre les acteurs du secteur de l'eau et de la santé, un facteur crucial pour un succès durable.
D'autres projets pilotes existent déjà avec Biobot en Uruguay et avec l'Institut néerlandais de recherche sur l'eau KWR au Maroc.
La pratique de la Banque mondiale en matière d'eau et de santé est en train de former une équipe chargée d'intensifier les efforts en matière d'épidémiologie basée sur les eaux usées aux niveaux national et régional. La collaboration en cours commencera par la préparation d'un guide de mise en œuvre qui comprendra une réunion ministérielle de haut niveau en Amérique latine, où l'expérience de l'Équateur et d'autres pays sera présentée afin de générer l'élan nécessaire pour attirer les investissements dans la recherche sur l'épidémiologie des eaux usées dans toute la région.
La pandémie de COVID-19 est l'occasion de sensibiliser et de préparer le terrain pour lancer des campagnes d'épidémiologie basées sur les eaux usées et tirer parti du flux continu de données sur la population qui se trouve sous nos pieds. Nous pouvons profiter de l'élan actuel pour développer des programmes d'enquête épidémiologique sur les eaux usées, peu coûteux et inclusifs, qui débouchent sur des systèmes de surveillance durables et abordables soutenant la préparation et la réponse aux urgences, aujourd'hui et à l'avenir.